Article tiré du 'Journal de l'Afrique' diffusé sur La Première, dans l'émission 'Au bout du jour', le 20 janvier 2022 à 19h.
Nelson Nascimento a beau avoir 57 ans, il porte en lui une part de son enfance. Une part encore douloureuse, causée par un deuil jusqu’ici impossible. "Je suis le fils aîné d’un militaire qui a été assassiné lors des événements du 27 mai 1977. Il s’appelait Joaquim Maria Nascimento, il avait à peine 31 ans".
En plus d’être militaire, le père de Nelson était un dirigeant haut placé du MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola), le parti au pouvoir d’orientation marxiste et révolutionnaire. Il occupait une fonction à la Direction de renseignement et de la sécurité de l'Angola (DISA). "J’avais 12 ans lorsqu’il a disparu", se souvient Nelson. "Je ne sais pas exactement quand ça s’est passé, c’était quelques jours après le 27 mai. Je l’ai appris lorsque je jouais avec un ami. Ma belle-mère, l’ancienne épouse de mon père m’a annoncé brutalement : ‘tu joues, alors que ton père est en prison !’, c’est comme ça que je l’ai appris. Depuis, je ne l’ai jamais plus revu, il a disparu".
Carla Santana a perdu son père et son oncle. "J'étais encore dans le ventre de ma mère", raconte-t-elle. Tous deux sont membres de l'association M27 qui rassemble des orphelins du 27 mai 1977.
Cette date est une des pages les plus sombres de l'histoire de l'Angola indépendante, qui traumatise encore aujourd’hui les angolais. La version officielle parle d’une tentative de coup d’État au sein du MPLA, très divisé, menée par Nito Alves, l’ancien ministre de l’Intérieur qui venait d’être expulsé du parti pour avoir critiqué sa direction.
S’en est suivi une purge au sein du parti. Selon Amnesty International, 30 000 personnes ont été arrêtées, torturées et exécutées sans jugement préalable pendant les deux ans qui ont suivi. Les survivants et les familles de victimes évoquent – pour leur part - une manifestation populaire de soutien à Nito Alves.
Silence radio pour toutes les familles concernées par ces disparitions
A ce jour, ces familles ne savent rien ou très peu de choses sur les circonstances qui ont conduit à la mort et à la disparition de leurs proches. "Dès le départ, on a mis une chape de plomb sur la disparition de mon père. Ce n’est que bien plus tard que j’ai commencé à poser des questions", explique Nelson Nascimento.
"Tout ce que je sais", ajoute-t-il, "c’est que ma grand-mère s’est rendue un temps à la prison de Sao Paulo à Luanda, où les prisonniers du 27 mai avaient été emprisonnés, pensant apporter des repas à son fils… mais en réalité, il avait disparu. On lui a dit un jour de ne plus revenir car son fils était mort. Après plus rien, silence radio pour toutes les familles concernées par ces disparitions, et cela pendant des décennies !".
Carla Santana n’a entendu parler de la disparition de son père qu’à l’âge de 15 ans. "Ma mère m’a expliqué qu’un jour, les militaires sont venus chez nous et ont emmené mon père en prison. Là, il a été torturé et il est mort. Ma mère n’a ensuite jamais rien su d’autre".