Andreï Zviaguintsev, lorsque vous avez réalisé “Leviathan”, vous vous étiez inspiré d’un fait divers américain. Est-ce le cas pour “Faute d’Amour” ?
Non, mes films ne sont pas toujours inspirés d’une histoire vraie. Ici, le récit couvre davantage de perspectives… Il y a sept ans, j’ai eu envie de faire un remake de “Scènes de la vie Conjugale” d’Ingmar Bergman, qui met en scène une crise familiale. C’est de là que tout a commencé. Deux ou trois ans après, mon ami Oleg Negin (coscénariste du film, NDLR) et moi avons envisagé de faire un film pour prolonger une citation de Tolstoï : "tous les romans se terminent par un mariage" : personne n’a écrit de roman sur ce qui se passe après le mariage. Nous voulions donc écrire une histoire qui relate une crise au cœur de relations familiales. Et un jour, tout à fait par hasard, Oleg est tombé sur un article qui parlait d’une association appelée "Lisa Alert", fondée en 2010. Les volontaires de cette association recherchent des personnes disparues. Tout à coup, nous avions l’essence de notre histoire : une famille, un enfant qui disparaît, une crise. Tout était là.
Vous êtes papa. Vous êtes-vous basé sur votre expérience personnelle pour raconter ces disputes et leur impact sur l’enfant ?
Mon fils fêtera ses huit ans dans deux mois, il est bien trop jeune pour comprendre les émotions contradictoires. Elles apparaissent à partir de douze, treize ou quatorze ans. Lorsque l’enfant atteint l’âge de la puberté, que sa sexualité se réveille et qu’il se découvre, il commence à vouloir affirmer son indépendance. Et souvent — très souvent —, c’est à ce moment que l’on rencontre ces problèmes qui peuvent être très ennuyeux. Pour le moment, nous en sommes loin avec mon fils. Et j’espère que cette période se passera bien. Je parle ici des fugueurs, les enfants qui fuient les problèmes, les situations conflictuelles qui les opposent à leurs parents. C’est en cela que consiste l’intrigue de “Faute d’Amour”. Le film raconte aussi une autre histoire, celle d’un enfant qui n’a pas été désiré par ses parents. Ce cas correspond à une hyperbole, il s’agit d’un cas extrême. Ceci dit, lorsque j’ai suivi les réactions qui ont suivi la sortie du film sur Instagram, je me suis aperçu que plus de 80% des gens affirmaient se reconnaître quelque part dans le film. Finalement, ce n’est pas tant une hyperbole, mais quelque chose de bien répandu. Pour l’instant avec Pete, mon fils, nous sommes amis. Son seul problème, c’est de répondre à la question "tu m’aimes ?", il me répond toujours "je t’adore !".