Le sort en est donc jeté : Felice Mazzù rejoint Anderlecht en succession de Vincent Kompany. Réussira-t-il au Lotto Park, après son échec précédent dans un " grand " club, en l’occurrence Genk ? Adaptera-t-il son style de jeu ? Va-t-il jouer la carte des jeunes ? Répétera-t-il ses pas de danse comme à l’Union ? Le tour des grandes questions avec trois de nos consultants.
FELICE MAZZU EST-IL LE BON CHOIX POUR ANDERLECHT ?
" Felice Mazzù à Anderlecht, c’est un très bon casting ! " commence Nordin Jbari. " Felice connaît bien le Sporting et il sait travailler avec des jeunes. De plus, il va amener ce côté chaleureux qui manque souvent dans les grands clubs : il va souder le groupe joueurs par ses méthodes mentales et basées sur le team-building. Pour le reste, on connaît sa maîtrise tactique, donc il n’y aura pas de souci. "
" Après Vincent Kompany, les dirigeants d’Anderlecht recherchaient surtout un entraîneur qui gagne les matches importants " explique Alex Teklak. " Le Sporting a perdu contre Vitesse Arnhem en Europe, contre Gand en finale de Coupe de Belgique et quatre fois contre l’Union St-Gilloise ! C’est pour ça que le courant ne passait plus avec Kompany. Avec Felice, ils mettent la main sur un entraîneur rationnel et pragmatique, déterminant dans les moments-clés et avec bien plus d’expérience. La composante jeunes, ils la mettent momentanément de côté car, si un jeune peut remplir les caisses d’un club en reconstruction financière, le Sporting doit surtout gagner des titres. Par tradition… et aussi par nécessité financière. Wouter Vandenhaute n’est pas là pour faire du social… "
" Felice Mazzù est le meilleur coach belge de la saison écoulée " enchaîne Thomas Chatelle : " Mais comme pour tout engagement de coach, celui-ci comporte en effet des risques en termes de profil. Au final, la seule chose qui compte dans le sport de haut niveau est de faire des résultats… et Mazzù devra en faire rapidement par rapport à son prédécesseur. Car le crédit de Vincent Kompany était illimité et certains supporters regrettent qu’il n’est plus là… "
LE FOOTBALL DE CONTRE-ATTAQUE DE MAZZU CONVIENDRA-T-IL A ANDERLECHT ?
" Je rappelle que Mazzù a joué toute la saison écoulée avec deux attaquants, Deniz Undav et Dante Vanzeir… alors que son équipe venait de D2 ! " reprend Jbari. " Il est capable de s’adapter au noyau dont il dispose et on verra effectivement quels joueurs il aura sous la main… mais ça, c’est une autre discussion. Même s’il n’avait pas souvent la possession de balle avec l’Union, il a dominé la plupart de ses matches : on l’a bien vu contre Bruges en Play-Offs. Je rappelle aussi qu’Anderlecht a été champion avec René Weiler… qui jouait en contre et dont le meilleur joueur était Frank Acheampong ! On verra si Mazzù fera pareil… et si c’est le cas, on le soulignera aussi. Mais je répète : Felice connaît bien Anderlecht et il sait que le public du Parc attend du beau football. Mazzù a mûri, il a posé ses conditions avant de signer : il sait quels joueurs il aura et ce qu’on attend de lui. "
" Dans son approche, Felice met l’accent sur le mental et la grinta " reprend Chatelle. " Ce sont des valeurs qu’on associe davantage au Standard et à Charleroi, des clubs habités par la fougue et l’émotion. Mais quand on voit que le Real Madrid, incarnation du beau jeu, gagne une Ligue des Champions en pratiquant un football hyperréaliste, il faut relativiser ces raisonnements… "
" C’est vrai qu’entre Vincent Kompany et Felice Mazzù, le casting peut sembler totalement opposé " reprend Teklak. " Mais en football, il y a plusieurs moyens de gagner : il n’existe pas de mauvais foot, il n’y a qu’un bon foot… et c’est celui qui gagne ! On rappelle toujours l’exemple de René Weiler, mais davantage que des fautes sur le terrain, le Suisse avait surtout commis des fautes dans sa communication. Il ne faut pas non plus tomber dans la caricature : Felice Mazzù ne pratique pas le catenaccio (sic). C’est juste un coach pragmatique et rationnel, qui évite les risques inutiles à son équipe… s’ils la mettent en insécurité ! "
FELICE MAZZU VA-T-IL PRATIQUER LA CARTE "JEUNES" ?
" A l’Union, le projet n’était pas basé sur les jeunes " rappelle Teklak. " Mazzù y a construit ses succès avec un groupe de joueurs plus âgés… et surtout revanchards. A Anderlecht, son effectif sera construit différemment : la question sera de savoir s’il aura son mot à dire sur les transferts. Vincent Kompany avait ce privilège grâce à son nom et son palmarès : il pouvait exiger les profils de joueurs qu’il désirait. C’est ainsi qu’il a construit son 4-2-2-2 avec le Directeur Sportif Peter Verbeke. Mazzù a eu le temps ces derniers jours de faire l’état des lieux du noyau : on lui a sans doute dit qui va partir et qui va rester… et il en a tenu compte dans sa décision. Il faut aussi rappeler que même Kompany avait revu sa copie par rapport aux jeunes du club : il ne faut pas mettre des jeunes pour le principe de mettre des jeunes… et avec Mazzù, ce risque est limité. "
FELICE MAZZU DEVRA-T-IL CHANGER DE PERSONNALITE A ANDERLECHT ?
" Mazzù ne va pas changer de conduite ou de style parce qu’il signe à Anderlecht " explique Chatelle. " A Charleroi, à l’Union et même en partie à Genk, il a posé sa griffe. Il a connu tous les étages du football et c’est difficile de trouver mieux que lui en termes de bagage relationnel, technique et tactique. Tout dépendra en fait de la confiance qu’il ressentira autour de lui… et de cette fameuse chaleur humaine dont il a besoin pour bien travailler. "
" Mazzù ne va pas changer de comportement : c’est le regard sur lui des gens, des journalistes et des influenceurs qui va changer ! " réfléchit Teklak. " C’est vrai que ses petits pas de danse d’après-match étaient très appréciés à l’Union et que le contexte va changer : les mêmes qui appréciaient sa convivialité à l’Union vont maintenant le critiquer... Mais il ne faut pas y accorder trop d’importance : Felice va un peu arrondir les angles… mais il sait aussi que ce côté fait partie de son authenticité. Il est intelligent et flexible, il saura trouver le mode qui convient à Anderlecht. "
FELICE MAZZU A-T-IL TIRE LES LECONS DE SON ECHEC A GENK ?
Chatelle : " Dans le Limbourg, Felice a pris du bagage et il sait aujourd’hui mieux gérer la pression. Et chacun sait que c’est à Anderlecht qu’il y en a le plus... Mais il saura contrôler ces paramètres, notamment par rapport au contexte dans lequel il arrive au Sporting. "
" Mazzù arrive à Anderlecht avec bien plus d’atouts qu’à l’époque à Genk " reprend Teklak : " Côté staff, il vient accompagné de plusieurs de ses proches et il a aussi plus d’expérience et de légitimité qu’il y a 3 ans. Par rapport aux éventuels supporters mauves qui grincent des dents suite au départ de Kompany, Mazzù sera aussi soutenu par la direction mauve : le Sporting peut être un club rassembleur, qui l’accueillera comme il se doit. A Genk, les dés étaient pipés : au Lotto Park, le contexte sera meilleur. "
" C’est quoi, un échec ? " interroge Jbari. " Même Hein Vanhaezebrouck s’est planté à Genk mais ça ne l’a pas empêché de rebondir, de devenir l’entraîneur à succès qu’il est aujourd’hui… et même d’entraîner Anderlecht ! Un échec ne veut pas dire que vous êtes mauvais (sic)… mais si vous enchaînez les échecs, c’est autre chose. (clin d’œil) L’erreur de Mazzù à Genk, c’est d’avoir accepté tout ce qu’on lui imposait… alors qu’on lui refusait le peu qu’il demandait en termes de staff. Ici, il vient avec comme T2 Samba Diawara, que je connais bien pour avoir joué avec lui à Troyes, et qui est une très bonne personne, très loyale. Mazzù a changé : la qualité de son travail lui permet aujourd’hui d’imposer le respect qu’on ne lui donnait pas à Genk. Après, je pense qu’il devrait quand même prendre des cours de néerlandais : à l’Union, il avait Karel Geraerts… qui a décidé de rester au Parc Duden."
QUELLES CHANCES DE REUSSITE POUR FELICE MAZZU AU LOTTO PARK ?
" Je n’ai pas de doutes sur cette question " conclut Teklak. " Je me répète : entre Kompany et la direction du Sporting, c’était surtout une question de gestion des matches-clés. Et avec Mazzù, Anderlecht a d’abord choisi un entraîneur qui sait comment gagner. "
" Mazzù a toutes les qualités pour réussir à Anderlecht " conclut Chatelle. " Je regrette juste le contexte global. Anderlecht et Kompany qui se séparent, c’est un échec. Mais le grand perdant de l’opération est l’Union St-Gilloise, qui perd son architecte et va devoir tout reconstruire. Je continue à me demander si la direction de l’Union a vraiment tout fait pour garder son coach… et je ne parle pas que du contrat : je parle aussi des garanties sportives. Si c’est le cas, c’est dommage ; si ce ne l’est pas, elle ne peut que s’en prendre à elle-même. Mais c’est vraiment dommage car j’avais le sentiment que l’aventure de l’Union et de Mazzù ne faisait que commencer, et qu’ils allaient écrire ensemble de belles pages en Coupe d’Europe… "
" Au final, ce sont toujours les résultats qui feront la vérité " conclut Jbari. " Au début, Mazzù bénéficiera d’un état de grâce de trois-quatre matches, lié à son aventure à l’Union. Car soyons honnête : l’an passé, toute la Belgique souhaitait le titre à l’Union ! Mais comme chacun sait, les états de grâce ne durent pas… La pression sera aussi sur la direction mauve : tant que Kompany état là, il servait de paratonnerre. On va voir maintenant comment les décideurs anderlechtois vont se mettre en adéquation avec leur coach : à eux de démontrer qu’ils ont l’étoffe des anciennes directions du Sporting. "