Jupiler Pro League

Amara Baby (Eupen) : "Je dois être plus crevard…"

Amara Baby se livre au petit jeu du selfie.

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Venu de l'Antwerp après trois saisons pleines à Charleroi, le Parisien s'est installé sur le flanc gauche panda après un passage par l'infirmerie et la case Covid-19. Il évoque le délit de sale gueule, Sadio Mané, les Play-Offs à la belge, Didier Lamkel Zé, la tambouille sénégalaise et Guy Roux. Mais aussi le foot bulgare, Zlatan, les terrains-galettes, Ronaldinho, la communication gestuelle et Mehdi Bayat. Et bien sûr… Nénette et Lyon. Amara Baby passe " Sur Le Gril ".

Il nous accueille au Kehrweg après l'entraînement du matin, toujours devancé par ce grand sourire qui faisait déjà le bonheur du vestiaire de Charleroi. A 32 ans dans quelques jours, Amara Baby aborde la dernière ligne droite de sa carrière. Sans rancœur, ni regrets. Quoique.

J’aurais sans doute pu tirer meilleur profit de ma carrière, mais je ne dois m’en prendre qu’à moi-même " explique Amara Baby. " Il m’a parfois manqué la patience et le recul : j’ai souvent réagi trop vite, en voulant forcer les choses. Mais j’étais jeune : aujourd’hui, j’ai la ma-tu-ri-té ! (Il découpe les syllabes) Je ne me prends plus la tête, je laisse venir. J’aime bien rigoler, je fais toujours les vannes au vestiaire, mais maintenant je fais partie des vieux. C'est aux jeunes à prendre la relève pour mettre l'ambiance ! " (Il rigole)

Freiné à son arrivée à Eupen par une blessure au tendon d’Achille, Baby s’est installé dans le onze… mais il est toujours en recherche de statistiques.

C’est mon souci, et ça me fait ch… Peut-être que je dois être plus égoïste : en foot, il faut être un crevard, sinon les autres te piquent ton bizness (sic). Mais je me sens bien à Eupen : c'est un groupe tranquille, avec un gros potentiel. On a du ballon : quand on s'y met, on produit l'un des meilleurs foots de Belgique ! C'est juste qu'on sort de dix matches de suite en janvier: c'est une période intense liée aux ravages du Covid chez nous. On a eu des malades et des blessés : il a fallu retrouver du niveau physique, puis enchaîner des matches avec seulement deux jours d'entraînement dans les jambes. C'est chaud ! Mais en qualité pure, et sans ce sale virus, on devrait être mieux classé : on a notre place dans le Top 8... et avec un peu de chance, si tout s'enchaîne bien, on peut encore aller gratter quelques places ! Pourquoi ne pas aller chercher le Top 4 ? En football, ça va très vite ! On aime le beau jeu, mais on veut aussi des résultats : le coach, au vestiaire, il nous pécho (sic) quand on n’est pas concrets !  "

Babybel…

Forcément, son nom interpelle : Baby, il faut le porter pour un grand gaillard du type baraqué. Et lui a valu quelques déboires...

Depuis tout petit à l'école, on me chambre avec ça : on m'appelle ‘Bébé’, ‘Babyfoot’… et même ‘Babybel’ ! Mais ça m'amuse. Le petit nom que me donne ma femme ? Ça, ça reste entre elle et moi (rire). Mais elle m'appelle aussi Boss : ben oui, à la maison, c'est moi qui commande... Non, je rigole, hein ! Je vis tranquille, ici à Eupen, avec ma femme, mon petit garçon d'un an et demi : je suis Parisien d'origine mais je préfère le calme de la campagne à l’excitation des grandes villes. Même si ici, avec la neige les derniers jours, j’ai eu du mal : la neige, ce n’est pas mon truc ! "

Chez les Baby se greffe aussi une créature féline : partout où il signe, l’ailier franco-sénégalais débarque… avec ses chats !

" Avant, j’avais deux chats… mais Nénette (sic) est morte. Là, il reste Lyon : un vrai tigre ! Lui aussi, c’est le boss du quartier ! Depuis qu'il est là, les autres chats n’osent plus se pointer plus… Et quand je reviens de l'entraînement, il reconnaît ma voiture et vient miauler. Le souci, c’est qu’il grossit… (sourire) J'adore les chats, ils me ressemblent. Je me souviens, le premier chat que j’ai eu, c'était un chat du quartier : je lui donnais des chips et on dormait ensemble dans l’escalier de l'immeuble... " (Il ferme les yeux et mime la sieste, hilare) J’ai aussi un jour pris un chat noir : juste pour prouver qu’un chat noir pouvait porter bonheur ! " (rire)

Jeu tête levée

Amara Baby : "Je dois être plus crevard…"
Amara Baby : "Je dois être plus crevard…" © BRUNO FAHY - BELGA

Gros potentiel physique (il est toujours parmi les meilleurs aux tests VMA), Amara Baby a aussi découvert au Kehrweg quelques stylistes… Dont certains, bardés de références.

On a de très bons bons joueurs : Ngoy, Prevljak, Adriano (NDLA : le Brésilien de 36 ans affiche près de 200 matches avec le Barça où il a gratté deux Champions League et quatre Ligas…) et j’en passe... Le meilleur joueur de Belgique, il est chez nous… en tout cas, c’est tout ce que je souhaite ! (clin d’œil) Adriano, malgré son âge, on sent qu’il a du ballon : tout est simple avec lui, il a toujours la tête levée, jamais les yeux sur le cuir, tout est naturel. Mais il ne la ramène pas : c’est un gars d’une totale humilité. Quand on parle à deux, c’est un sketch : moi en Français, lui par bribes d’Anglais… mais on cause surtout avec les mains, les bras et les yeux ! Lui et moi, c’est du spectacle ! " (Il s’esclaffe)

Formé à Beauvais, et avant de rejoindre la Belgique pour Charleroi (" Courtrai m’avait aussi contacté, mais bon… "), Baby était un habitué des matches de Ligue 2 avec Laval, Le Mans et Châteauroux.

À Châteauroux, je croisais parfois Michel Denisot, l’un des deux présidents. Il avait dit à mon agent : ‘Il est très bon ton petit, là…’ Mais non, il ne m’a pas fait rentrer au PSG ! (rire) Le PSG, c’est le club de mon enfance : Ronaldinho, il me faisait trop rêver ! Alors, quand j’ai joué la finale de la Coupe de France avec Auxerre contre Paris, j’ai trop kiffé. Y avait Zlatan, incroyable… Et Marco Verratti : trop fort ce gars, impossible de lui prendre le ballon ! Thiago Motta, lui, on s’est frottés pendant le match : c’est un vicieux, il te fait des coups en douce. Moi aussi, parfois j’en donne, mais je n’aime pas ça : ça me rend malade, mais c’est le foot pro… À la fin du match contre le PSG, tous mes équipiers voulaient les maillots parisiens, mais moi je m’en foutais : on avait perdu, j’avais la rage. C’est trop dur, la défaite : ça me va loin… Et quand en plus, tu fais un mauvais match, tu culpabilises… Mais moi, les maillots que je collectionne, ce sont ceux de mes amis : pour moi, ce sont eux, les stars ! "

Devenir Belge…

Passé ensuite par l’AJ Auxerre (" Guy Roux avait encore un bureau au stade, mais on ne le voyait plus trop… "), Amara Baby a palpé une fois de l’étranger avant de rejoindre Charleroi.

Je voulais vivre autre chose, je me suis retrouvé en Bulgarie dans le club… de Pernik, je crois… (Il réfléchit) Mais c’était trop bizarre : il y avait quelques joueurs français, c’était un bon groupe, mais le foot était différent... Et dès qu’on perdait, on s’en prenait aux joueurs étrangers. Après deux semaines, je me suis enfui ! Quand mon agent m’a proposé la Belgique, j’ai dit ‘Fonce !’ Même si au départ, je ne le sentais pas trop… Mais Mehdi Bayat m’a bien accueilli, il m’a parlé. C’est vraiment un bon dirigeant, qui aime son club… ils ne sont pas tous comme ça ! (clin d’œil) Felice Mazzù aussi, il était bon… même si le ton est parfois monté entre nous ! Mais c’est un bon ! Et le foot belge m’a bluffé : jamais de temps mort, ça attaque, ça défend… C’est comme du foot anglais : la preuve, les joueurs qui signent en Premier League en venant de Belgique s’adaptent sans problème. Aujourd’hui, j’adore la Belgique : je vais demander ma naturalisation ! Car la France actuelle, elle me fait peur... "

Nous y voilà : avec le virage à droite que connaît la France d’aujourd’hui, la tension est plus palpable que jamais.

Les violences policières, le racisme… c’est triste, tout ça. Quand tu es petit, tu ne t’en rends pas compte car tu es habitué à ce que la police te traite différemment selon ta couleur de peau. Puis en grandissant, tu réalises que ce n’est pas normal... Quand je suis arrivé ici en Belgique, j’étais presque étonné que la police ne me contrôlait jamais ! Je me souviens, j’avais 12-13 ans, on jouait au foot au quartier : on avait quelques pétards, c’est vrai, mais c’était le 14 juillet, la Fête Nationale… D’un coup la police débarque, tout le monde court : moi je tombe et je me casse le genou… et on me coffre. Juste parce que j’étais noir. OK, j’ai fait quelques bêtises… comme rouler à mobylette sans permis, mais en Belgique je n’ai jamais senti le même regard qu’en France. C’est comme l’Equipe de France : le foot peut aider à lutter contre le racisme… mais quand les Bleus perdaient, on cherchait des coupables. Et c’était souvent les mêmes…  "
 

Les terrains-galettes…

Amara Baby : "Je dois être plus crevard…"
Amara Baby : "Je dois être plus crevard…" © PETER POWELL - AFP

Son truc à lui, ce sont les Lions de la Téranga : l’équipe du Sénégal. Où il affiche une cap : c’était en 2015… avec Sadio Mané (Liverpool) comme équipier.

Celui-là, il est trop fort ! Tu vas jouer à Madagascar, sur un terrain qui ne ressemble à rien : tu as du mal à prendre tes appuis… et lui, il t’aligne les contrôles faciles, comme s’il jouait sur un terrain-galette ! (sic) S’il est sympa ? C’est un COM-PA-TRI-OTE ! (Il découpe les syllabes à nouveau) Mais non, il ne m’a pas encore invité à Liverpool ! " (rire)

Vainqueur de la Coupe avec l’Antwerp (" Gagner des titres, c’est mon moteur dans le foot... c comme vivre ces émotions des matches-couperets : avec Châteauroux, on avait gagné le match du maintien contre Strasbourg… et j’avais marqué les deux buts, quel kif ! "), Amara Baby a croisé au Bosuil un coach énigmatique nommé Lazlo Bölöni : " Il oubliait toujours le nom des kinés, il le faisait exprès à mon avis. C’est son humour à lui… mais il n’est pas aussi dur que l’image qu’il donne. "

Au sein du Great Old, Baby a aussi partagé le vestiaire avec un joueur qui a tenu le haut de la chronique ces derniers mois : Didier Lamkel Zé.

Didier, c’est un talent de dingue… S’il est fou ou bête ? Aucun des deux, il est juste un peu spécial… mais cela amène aussi sa folie sur le terrain ! Un gâchis ? Mais non, tout va de nouveau bien pour lui… Et un vestiaire, vous savez, si un joueur vous fait gagner les matches, il oublie vite... Le passé, c’est le passé… et il faut regarder devant ! Il est sympa, Didier… et il adore le poulet braisé ! (Il éclate de rire) Moi aussi, je me fais mes petits plats du Sénégal : le poulet au riz, aux olives et au citron… Ou alors le poisson aux oignons rouges avec plein de légumes ! Et quand je rentre chez moi à Paris, ma mère me fait à manger... D’ailleurs, elle veut que je mange beaucoup ! Beaucoup, beaucoup !! " (rires)

 

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