Pierre Solot a rencontré le pianiste Alexander Gurning à Bruxelles, parce que "c’est à Bruxelles qu’on rencontre un Bruxellois". Et à Bruxelles, lorsqu’on veut désigner une personne aux origines multiples, on l’appelle un zinneke. Alexandre Gurning est un zinneke : né d’un père indien, d’une mère polonaise, éduqué au cœur de la capitale belge, il est un exemple parfait des réjouissants métissages qui fait aujourd’hui Bruxelles.
Et comme pour suivre une évidence originelle, Alexandre Gurning est un amoureux des carrefours : carrefours musicaux, de ceux qui permettent aux solistes classiques de se tourner vers le jazz et les musiques africaines. Voilà bien un artiste qui bouscule sans vergogne la notion d’identité comme un souffle complexe et salvateur dans un monde qui a tendance à se refermer.
"Quand j’étais petit, mon rêve, c’était d’être un piano-héros, je faisais beaucoup de technique, je voulais un gros son", confie Alexandre gurning. "Il y avait pas mal de testostérone, mais cela a évolué à travers le temps, ayant d’autres pratiques musicales qui se sont accrochées à ma carrière comme le jazz, l’improvisation, l’écriture, l’arrangement,… Tout cela fait partie de mon exploration"
La Place Saint-Josse, "un lieu foisonnant" où l’artiste a fait ses armes
"L’endroit qui m’a le plus marqué, c’est le quartier où je vivais quand j’étais petit, tout autour de la place Saint-Josse. Un endroit foisonnant, multiculturel, où je m’amusais beaucoup, où il y avait beaucoup de choses assez dures : pas mal de pauvreté et de délinquance. Mais aussi beaucoup d’amitié, de liens forts créés avec beaucoup d’enfants de tous bords. Mes premières expériences musicales se sont passées là : j’ai appris le piano dans la maison de mes parents. Mon premier professeur, ça a été mon frère mais aussi le tourne-disque, le vinyle, la radio. Je n’écoutais pas forcément du classique, plutôt du funk, de la disco, ... Je dansais et reproduisais surtout les lignes de basse avec ma main gauche tout en déhanchant, j’adorais ça "
Un insatisfait du piano… qui ne voulait pas en démordre
"Je crois que le point de départ, ça a été le fait que je n’étais pas satisfait du son du piano. Plutôt que d’aller voir d’autres instruments, j’ai voulu transmettre des sons et des émotions qui n’avaient rien à voir avec le piano, à travers le piano. J’étais beaucoup plus attiré par l’orchestre que par le piano, j’écoutais toutes les symphonies de Chostakovitch en boucle quand j’étais ado. J’étais fascinée par ce son plus varié. Ou par d’autres rythmes comme le jazz ou d’autres formes de narration musicale comme la musique malienne, où la notion de temps est différente.
"Dans la musique classique, je trouvais très important de faire croire qu’on était le compositeur, c’est-à-dire vivre le fait que le compositeur ait choisi telle ou telle forme d’écriture, telle ou telle marche harmonique, ce qui exprime une émotion. Et il faut se l’approprier, il faut faire oublier le fait que c’est une partition."
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