"Alcool au féminin": pour en finir avec ce tabou de société

Alcool au féminin

© Capture d’écran

Par Fanny Guéret via

En Europe, on estime que 13 millions de femmes ont un problème avec l’alcool. Et 55.000 d’entre elles en meurent chaque année. L’alcool a longtemps été un truc de mecs. Alors quand les femmes buvaient, c’était en cachette, de façon honteuse. Mais en s’émancipant, les femmes se sont mises à boire de façon plus libre, en omettant les risques d’addiction. Marie-Christine Gambart a réussi à faire témoigner 5 femmes qui s’en sont sorties, pour comprendre les spécificités de l’addiction à l’alcool des femmes et pour en finir avec ce tabou qui gangrène la société à tous les niveaux.

 

Les spécialistes de la maladie alcoolique observent que des femmes basculent dans l’alcoolisme lorsqu’elles boivent seules, généralement à la maison, et lorsque l’envie de boire arrive plus tôt que d’habitude, dans la journée. Le témoignage de Sylvie, alcoolique pendant 7 ans et abstinente depuis 9 ans, est percutant :

"Je ne suis jamais rentrée dans un bar pour assouvir ma soif d’alcool. Jamais. C’est culturel, voilà. Une femme, ça ne boit pas à 9 heures du matin son petit blanc sur le zinc en compagnie d’hommes qui font la même chose. Un homme qui boit, c’est un bon vivant. Une femme qui boit, c’est une dépravée, c’est une femme qui n’est pas respectable. Et puis, surtout, c’est une mauvaise mère".

L’alcool mondain entraîne, lui, le déni : boire dans du cristal, venant d’un milieu aisé est très éloigné de quelqu’un qui vit dans la rue ou boit dès le matin. C’est ce qui est arrivé à Ariane, alcoolodépendante durant 20 ans et dans l’abstinence depuis 11 ans.

Pourquoi les femmes boivent ?

 
 
Des femmes témoignent aussi de cet état d’absence provoqué par l’alcool. Alors d’où vient cette envie d’être anesthésié ? Ce qui fait qu’on plonge ou pas, explique la psychiatre Fatma Bouvet, ce sont des terrains à risque. Par exemple, des antécédents d’agressions sexuelles et de viols multiplient par 36 le risque de tomber dans l’alcool. Il y a aussi les femmes perfectionnistes qui se retrouvent épuisées à force de vouloir être parfaites avec toutes leurs casquettes : celle de bonne épouse, bonne mère, bonne professionnelle, bonne copine…
Ariane, elle, a souffert de troubles du comportement alimentaire à l’adolescence et l’alcool lui permettait "de ne plus penser à cette horrible personne qu’elle était et qui ne pouvait pas contrôler sa nourriture et partait vomir après". D’autres encore ont souffert du nid vide lorsque les enfants ont quitté la maison.
 
Avec beaucoup de sincérité et de lucidité sur leur maladie, elles racontent aussi comment la honte les a poussées à regorger d’ingéniosité et de créativité avec un pouvoir de mensonge incroyable pour cacher les bouteilles. Et comment elles sont devenues une autre personne, détériorée et parfois violente.
C’est toute une vie qui se retrouve organisée autour de l’alcool, c’est une aliénation, un poison, une drogue. Et pour la famille, les collègues et même parfois le monde médical, c’est un tabou par rapport à l’alcool et aux femmes, entre impuissance, déconsidération, peur ou incompréhension…
La question du sevrage et de l’après est aussi largement abordée, à toutes les étapes, et donne un vrai espoir face à cette reconstruction.
Le documentaire nous fait pénétrer dans le cabinet de cette psychiatre et addictologue Fatma Bouvet de la Maisonneuve. Très engagée sur le sujet, elle explique à ses patientes autant qu’à nous, spectateurs, les problèmes d’alcool au féminin et son regard est tout à fait éclairant.
Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre addictologue
Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre addictologue © Capture d’écran

Changer son regard

 
Libérer la parole des femmes, sortir du déni et de la culpabilité, telle était la volonté de ce documentaire et il s’avère indispensable pour les femmes qui souffrent d’alcoolisme. Cela les aidera peut-être à sortir de la honte et à vouloir chercher l’aide de professionnels. Mais il s’avère tout aussi précieux pour l’entourage qui se retrouve souvent dépité face à un parent alcoolique. Il y trouvera des réponses. Quant à la société dans son ensemble, c’est ce genre de document qui l’aidera sûrement à changer son regard et glisser de la croyance d’une déviance honteuse vers la réalité d’une vraie maladie liée à des souffrances.
 
 
Ne manquez pas Alcool au Féminin le 2 mai à 20h35 sur La Trois, suivi d’un débat en plateau avec Julie Morelle et ses invités à 21h25 .

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