Afrique du Sud : course contre la montre pour sauver le pangolin, le mammifère le plus braconné au monde

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Par Valérie Hirsch

Suspecté – sans doute, à tort – d’avoir transmis le coronavirus à l’homme, le pangolin est l’animal le plus braconné au monde. Il pourrait disparaître d’ici vingt ans. La réserve de Phinda au Kwazulu-Natal, dans l’est de l’Afrique du Sud, recueille, depuis deux ans, ces étranges "mini-dinosaures" qui se roulent en boule pour se protéger. Tous ont été sauvés des mains de trafiquants.

Rigardt Hoffman n’oubliera jamais le jour où il a surpris une femelle en train d’allaiter son bébé à Phinda : "Elle l’a pris sur son dos avant de s’éloigner dans l’herbe, se rappelle ce zoologue de formation. C’est très rare de voir cela dans la nature".

La naissance du bébé dans cette région, où le pangolin a disparu depuis quarante ans, a été célébrée par toute l’équipe, qui a accueilli 12 pangolins saisis par la police. "Ils sont d’abord soignés dans un hôpital vétérinaire de Johannesburg, explique Craig Sholto-Douglas, écologue à Phinda. Les pangolins ne mangent pas en captivité. Ils sont souvent très affaiblis. Quand ils arrivent ici, on les promène dans la réserve jusqu’à ce qu’ils trouvent un endroit où creuser leurs terriers. Dans le passé, 80% des pangolins relâchés dans la nature ne survivaient pas. Mais grâce à notre système de surveillance, nous prenons bien soin de ces animaux fragiles. On a eu seulement deux décès".

Munie d’une antenne satellite, Charli De Vos, cherche une femelle, arrivée en novembre dernier. "Elle a été retrouvée dans le coffre d’une voiture à Pretoria", explique-t-elle. Grave au capteur installé sur son dos, le pangolin est rapidement repéré dans des broussailles, en train d’aspirer des fourmis avec sa longue langue. La jeune écologue relève les données recueillies par un capteur fixé sur une écaille. "Ses déplacements sont enregistrés toutes les deux heures. Ces données nous permettent de mieux connaître les pangolins. Ce sont des animaux furtifs, très peu étudiés".

Les écailles ne contiennent que de la kératine, comme les cornes de rhinos. Les Chinois feraient mieux de se ronger les ongles !

Vieux de 80 millions d’années, les seuls mammifères à écaille risquent de disparaître. Sur le continent, ils ont toujours été braconnés pour être mangés et offerts aux chefs : le pangolin est un porte-bonheur. Mais, depuis quelques années, ils sont aussi victimes de trafiquants qui les exportent vers l’Asie du sud-est : leur viande se vend une fortune au Vietnam tandis que leurs écailles sont utilisées dans la médecine chinoise traditionnelle.

Après avoir décimé les pangolins asiatiques, les trafiquants se sont rabattus sur l’Afrique. Les saisies d’écailles de pangolins africains ont ainsi explosé, passant de 2 tonnes en 2013 à près de 70 tonnes en 2019, soit l’équivalent de 120.000 pangolins, selon le "Groupe de travail sur le pangolin africain". Comme pour la cocaïne ou la corne de rhino, le prix de l’écaille se décline désormais en gramme et vaut plus que l’ivoire. L’interdiction du commerce de pangolin, en 2017, n’a pas mis fin au carnage.

Le projet à Phinda coûte cher : 5000 euros par pangolin, rien que pour les émetteurs, payés en partie par les touristes, prêts à payer 750 euros pour pouvoir accompagner l’équipe sur le terrain. "Notre but est d’agrandir notre population de pangolins, afin de pouvoir repeupler d’autres réserves, comme on l’a fait pour le rhinocéros noir, sauvé de l’extinction", explique Sholto-Douglas.

Les pays d’Afrique australe commencent à se mobiliser : des formations sont faites pour sensibiliser les forces de l’ordre et les douanes. Récemment, un trafiquant a été condamné à huit ans de prison : une première en Afrique du Sud. Il faudrait surtout réduire la demande de pangolins en Asie, liée à des croyances millénaires : "Les écailles ne contiennent que de la kératine, comme les cornes de rhinos. Les Chinois feraient mieux de se ronger les ongles !", lance Maria Diekmann, qui a créé un centre de sauvetage des pangolins en Namibie.

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