Elles s’appelaient Zakia Herawi et Qadria Yasini. Ces deux femmes étaient juges à la Cour suprême afghane et le 17 janvier, elles ont été assassinées par balles dans les rues de Kaboul. Zakia Herawi et Qadria Yasini ne sont pas des cas isolés mais les dernières victimes en date de la spirale de violence qui balaie le pays depuis plusieurs mois.
Des hommes au volant d’une moto ont tué par balles Zakia Herawi à Kaboul, alors qu’elle montait dans la voiture qui devait la conduire à la Cour suprême. Elle a été abattue d’une balle dans la tête. Qadria Yasini était déjà assise dans le véhicule au moment de l’attaque. Cet attentat n’a pas été revendiqué mais tous les yeux se tournent vers les Talibans.
Spirale de violences depuis septembre
Depuis le mois de septembre, on assiste à une recrudescence de la violence, des assassinats ciblés surtout, et c’est la société civile qui est ciblée : journalistes, politiques, juges, activistes, etc. "Il est difficile de ne pas voir dans cette recrudescence une tactique qui s’inscrit dans le contexte des négociations (interafghanes, ndlr.) qui ont lieu à Doha", explique Romain Malejacq, assistant-professeur d’université à Nimègue et auteur du livre : "Warlord Survival: The Delusion of State Building in Afghanistan". Une spirale de violences que l’universitaire français analyse comme étant "une préparation au retour au pouvoir : mettre un terme à la liberté d’expression, au pluralisme qui existe aujourd’hui à Kaboul et dans le reste de l’Afghanistan et instaurer une chape de plomb dans les grandes villes en Afghanistan".
Depuis septembre 2020, des négociations sont en effet en cours à Doha (Qatar) entre le pouvoir politique et les Talibans. Jusqu’ici, ces pourparlers ont été consacrés à des questions de procédure et de logistique. Les vraies négociations ne vont débuter que maintenant avec, sur la table, d’importants dossier : "Comment faire la paix ? Comment partager le pouvoir ? Avec quel ordre politique ?", illustre Romain Malejacq.
Reste que ces pourparlers interviennent après un premier accord entre les Talibans et les Etats-Unis, sous l’égide de Donald Trump. Un accord qui a permis notamment la libération de 5000 de prisonniers talibans, ce qui est assez handicapant pour Kaboul. Cet accord "a mis de côté le gouvernement afghan, l’a mis dans une position de faiblesse puisque l’administration Trump a vraiment forcé le gouvernement afghan à libérer ces prisonniers comme précondition alors que ceux-ci faisaient partie des seuls moyens de pression que pouvoir politique afghan avait sur les Talibans", précise Romain Malejacq. Pendant ce temps-là, les Talibans n’ont fait que très peu de concessions. D’ailleurs, "les liens entre les Talibans et Al-Qaeda existent toujours", poursuit ce spécialiste.