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Afghanistan : le "Bacha Posh", cette tradition qui transforme les petites filles en garçons

Najieh, aujourd’hui mariée et mère de quatre enfants, montre une photo d’elle enfant, alors qu’elle était Bacha Posh. Elle s’appelait alors Assadollah.

© APTN

Par AP

Dans un pays régi par une société patriarcale où l’homme prévaut dans chaque aspect de la vie, avoir un garçon peut s’avérer vital. Alors, certaines familles décident de faire appel à une étonnante tradition afghane, le Bacha Posh.

Sanam (au centre) une Bacha Posh, à l’école religieuse avec ses camarades.
Sanam (au centre) une Bacha Posh, à l’école religieuse avec ses camarades. © APTN

Une tradition complexe

Qu’est-ce que le Basha Posh ? Comme l’explique l’Indian Express, cette pratique signifie littéralement "habillé en garçon" en Dari, l’une des langues officielles du pays. Elle permet aux familles sans fils de "transformer" une de leurs filles en garçon. Une famille peut faire ce choix pour plusieurs raisons. Pour avoir un meilleur statut par exemple, puisque les fils sont mieux considérés que les filles. Une autre croyance populaire considère que cela porte bonheur, et que c’est une manière de garantir un petit homme aux parents lors de la grossesse suivante.

Comme les autres garçons, une Basha Posh peut profiter d’une liberté dont ses amies féminines n’auront jamais le privilège. Jouer dehors, faire du sport, aller à l’école… elle peut grandir sans oppression ou limites.

Sanam au centre, entourée de sa famille chez elle, le 8 décembre dernier à Kaboul.
Sanam au centre, entourée de sa famille chez elle, le 8 décembre dernier à Kaboul. © APTN

A huit ans à peine, Sanam est heureuse d’être une Basha Posh. "C’est mieux d’être un garçon" déclare-t-elle enthousiaste, "Je peux porter des jeans et j’aide mon père à travailler". Pour ses parents ce choix est une nécessité. "Nous avons dû faire ça en raison de la pauvreté" déclare sa mère Fahima. "Nous n’avons pas de fils pour nous aider, et son père n’a personne pour l’aider".

Lors de l’effondrement de l’économie en Afghanistan l’an dernier, les emplois se font plus rares et le père, plombier, se retrouve au chômage. Il décide alors de vendre des masques sanitaires dans la rue, pour un revenu d’environ 87 centimes d’euros par jour. Mais souffrant d’une blessure au dos, il a besoin d’aide.

Nous avons dû faire ça en raison de la pauvreté

Si la famille a déjà un fils, il n’a en revanche pas l’usage complet de ses mains en raison d’un accident. Sanam devient alors un garçon et aide son père.

Un statut loin d’être permanent

Heureuse, Sanam rit avec les autres garçons lors de leur partie de football, vêtue d’un pantalon baggy et d’un t-shirt. Elle se voit déjà devenir docteur, soldat, ou encore commandant dans l’armée, une fois adulte. Mais elle devra pourtant mettre ces rêves derrière elle, et faire face à une transition extrêmement compliquée. Car le statut de Basha Posh n’est pas éternel, et prend fin lorsqu’une jeune fille atteint la puberté.

"Quand je serai grande, je laisserai mes cheveux pousser et je porterai des vêtements de fille", déclare-t-elle innocemment, sans vraiment comprendre.

La jeune Sanam chez le coiffeur, le 8 décembre dernier à Kaboul.
La jeune Sanam chez le coiffeur, le 8 décembre dernier à Kaboul. © APTN

Najieh, elle, ne s’en est jamais remise. Aujourd’hui mariée et mère de quatre enfants, elle regrette amèrement sa liberté perdue. "Quand j’ai mis des vêtements féminins, j’ai cru que j’étais en prison". Autrefois indépendante, elle ne peut désormais plus sortir de chez elle sans couvrir son visage. En pleurs, elle souhaite ne jamais avoir été née femme.


►►► À lire aussi : Des "écoles secrètes" pour filles en Afghanistan : continuer à s’instruire malgré l’interdit taliban


"En Afghanistan, les garçons sont plus précieux" se lamente-t-elle. "Ils ne connaissent pas l’oppression, ils n’ont pas de limites. Mais être une fille c’est différent. On est forcée de se marier très jeune".

En Afghanistan, les garçons sont plus précieux

Après l’ascension des talibans au pouvoir, elle a également dû abandonner son travail d’institutrice, puisqu’elle enseignait aux jeunes garçons.

Najieh chez elle à Kaboul, le 1er octobre dernier.
Najieh chez elle à Kaboul, le 1er octobre dernier. © APTN

Une pratique tolérée

Avec le retour des talibans, les droits des femmes ont été fortement impactés, ce qui rend la pratique du Basha Posh d’autant plus attractive pour certaines familles.

En effet, vu que la transition n’est que temporaire et que cela reste à l’intérieur de la famille, les talibans pourraient décider de ne pas intervenir.

Journal télévisé du 15/01/22

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