Rien ne semble arrêter l’avancée de l’organisation islamiste en Afghanistan : les unes après les autres, les capitales régionales tombent aux mains des talibans. Cinq sur les 34 que compte le pays depuis vendredi, dont la grande ville de Kunduz, dans une large offensive que l’armée afghane, pourtant forte de 350.000 hommes bien équipés, semble incapable d’enrayer, privée d’ici la fin du mois de tout soutien international, principalement américain.
Les rebelles islamistes annoncent qu’il n’y a pas de cessez-le-feu en vue avec le gouvernement. Les négociations semblent au point mort à Doha. En attendant une reprise des discussions, les deux parties semblent décidées à acquérir le plus de poids possible en vue de la formation éventuelle d’un gouvernement de transition. Un porte-parole taliban met aussi en garde contre toute nouvelle intervention américaine.
Une avance rapide
Le retrait des Etats-Unis, annoncé en avril par le président Joe Biden, et de leurs alliés a déclenché une nouvelle escalade de la violence en Afghanistan 20 ans après l’invasion américaine. Avant cela, les talibans ont dirigé le pays entre 1996 et 2001, imposant leur version ultra-rigoriste de la loi islamique, avant d’être chassés par une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.
A quelques heures d’intervalle dimanche, les rebelles islamistes ont, après d’intenses combats, pris possession de Kunduz, qu’ils encerclaient depuis quelques semaines. Ils ont ensuite pris Sar-e-Pul, puis, en fin de journée, Taloqan, quasiment sans coup férir, capitales des provinces situées au sud et à l’est de Kunduz.
Vendredi, les insurgés s’étaient aussi emparés de la ville de Zaranj, la capitale de la province de Nimroz (sud), à la frontière avec l’Iran. Leur avance est rapide. Les soldats des forces afghanes prennent la fuite face aux talibans, tout comme les dirigeants locaux.
L’enjeu stratégique du nord
Kunduz, 270.000 habitants, est un carrefour stratégique du nord de l’Afghanistan, entre Kaboul et le Tadjikistan. C’est la porte d’accès aux richesses minières du nord du pays. Elle est aussi la route de l’opium et de l’héroïne trafiquée vers l’Occident via l’Asie centrale. C’est enfin une région peu favorable aux talibans mais en même temps le symbole de leur force militaire : les talibans ont déjà conquis deux fois Kunduz ces dernières années par les insurgés, en 2015 et 2016, mais n’ont pu la tenir.
L’offensive des talibans déclenchée début mai à la faveur du retrait des forces internationales arrive à un point critique : les régions du nord qu’ils viennent de prendre leur donnent le contrôle sur les relations économiques avec l’Asie centrale.
L'armée afghane affirme pourtant se battre pour reprendre ces zones stratégiques, entre autres à Kunduz. Mais les talibans avancent et leur rythme s’accélère. Il surprend visiblement l’armée afghane qui tablait encore sur l’aide de l’aviation américaine. La perte du nord du pays pourrait signifier la chute du gouvernement de Kaboul.
Le contrôle du nord devrait leur permettre de déplacer des forces vers le sud. Kandahar (sud) et Hérat (ouest), les deuxième et troisième villes afghanes, sont aussi soumises à leurs assauts depuis plusieurs jours, tout comme Lashkar Gah (sud), la capitale de la province du Helmand, un des bastions des insurgés.
Sur la carte de l’Afghanistan, la domination des talibans s’affiche de plus en plus clairement. Entre les zones qu’ils contrôlent et celles en combat ou avec une forte présence, le pays semble peu à peu tomber entre leurs mains.