"Intégrez-vous ou dégagez" avait posté Luc Trullemans sur sa page Facebook, agitant les médias par la même occasion. On pouvait déjà craindre le ton du débat de mise au point dimanche.
Philippe Moureaux, sénateur PS estime que "s’il avait tout de suite tourné la page, on n’en parlerait plus. Le problème c’est que ça s’est entouré d’une amplification". Le sénateur PS dit comprendre le choix de RTL d’avoir mis à pied son météorologue. Inversement, c’est l’incompréhension face aux propos de Luc Trullemans qui "ne doit pas souvent prendre sa voiture" pour incriminer de la sorte des automobilistes "barbus", et leur faire porter le poids de toute la violence routière.
Mischaël Modrikamen, avocat de Luc Trullemans et président du Parti populaire, réagit : "Ce n’est pas du racisme. Il était agressé pour la deuxième fois, en deux mois. Et le soir, il est irrité et il partage ce message qui, il l’a dit, est excessif". L’avocat nie l’incitation au racisme et l’amplification. Il résume l’essence du message de son client : "Il y a des personnes ici qui revendiquent une série de choses, qui sont violents, on le voit avec Sharia4Belgium, etc… et ces personnes n’ont rien à faire ici".
La généralisation du propos est décriée
Jean-Claude Defossé, député bruxellois Ecolo, se positionne comme un fervent défenseur de la liberté d’expression. Mais ce qu’a dit sur Facebook Monsieur Trullemans était à ses yeux "d’une consternante bêtise. Il a généralisé ses propos aux musulmans dans leur globalité". Et ça, "ce n’est pas une opinion. C’est un délit". Avec un brin d’ironie, il appelle les agresseurs de Luc Trullemans, qui "peut-être regardent l’émission" et qui, dit-il, "sont peut-être nés à Lasne !", a réagir sur le site web de l'émission.
Mohamed Ramousi, théologien et membre de Muslims Rights Belgium, attire l’attention sur l’avalanche de propos racistes qui ont découlé de cette affaire : "Il était quasiment impossible pour nous de recenser le nombre de propos islamophobes qui ont suivi". A ces yeux, c’est une victoire pour le météorologue qui représente la banalisation de l’islamophobie.
Denis Ducarme, député fédéral MR, admet que des propos excessifs puissent être dus à l’émotion. "Mais si chacun d’entre nous laissait parler son émotion à chaque problème de roulage… je vous laisse imaginer le bazar !".
Le droit à l’émotion
Edouard Delruelle, directeur du Centre pour l'Egalité des Chances explique : "On a le droit à l’émotion. On a le droit de critiquer l’Islam. Mais il s’est mis en porte-à-faux par rapport à l’éthique de RTL. Pour moi c’est à ce niveau-là que ça se situe. On n’est pas dans une question d’incitation à la haine, on est dans une affaire de propos idiots. Pour Carine Doutrelepont, avocate spécialisée dans les nouveaux médias, le problème c’est aussi qu’il persiste et signe.
D’aucuns affirment que Luc Trullemans dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. "Il suffit de voir les réseaux sociaux" affirme Mischaël Modrikamen".
Le débat s’enflamme.
Philippe Moureaux revient sur le syllogisme de Luc Trullemans, qui passe, sans transition, d’un discours sur "les musulmans" à des propos qui engagent "Sharia4Belgium". La réponse de Mischaël Modrikamen est cinglante : "Vous êtes soutenu par les mosquées islamistes Monsieur Moureaux. Ne dites pas que vous les combattez". "Mensonges!", s’insurge Moureaux, et l'homme de tempérer : "Je connais effectivement des centaines de musulmans et pas un qui soutient Sharia4Belgium".
Liberté d’expression made in USA
On en vient à l’analyse, avec Alain Gerlache, journaliste spécialiste des nouveaux médias : "La logique des réseaux sociaux est inspirée par la vision américaine des choses. On va censurer 'L’origine du Monde' de Courbet, mais on va laisser tout dire. Il y a une sorte d’américanisation de la vision de la liberté d’expression. Et on doit y être attentif, il y a une série de gens qui ont l’impression qu’on ne prend pas leurs problèmes en charge et qui trouvent-là un moyen d’expression". Que faire, alors, de cette expression débridée sur les réseaux sociaux ?
"En quoi est-ce que son discours a touché les gens ?", se demande Edouard Delruelle. Et c’est là, la vrai question selon Denis Ducarme : "Nos politiques d’intégration sont un échec". Et il lance un avertissement aux représentants du PS et d’Ecolo : "Si vous continuez sur cette voie, vous allez nourrir le petit cousin de Le Pen qui est à côté de moi", dit-il dans un regard noir à Mischaël Modrikamen.
La voie de l’apaisement
Alors que la MRAX a annoncé une plainte contre Luc Trullemans pour incitation à la haine, l’organisation Muslims Rights Belgium a simplement émis un signalement, explique Mohamed Ramousi. Plutôt que de chercher à punir, "nous allons proposer une médiation". Il rappelle que rien ne sert de mettre le feu aux poudres. "La citoyenneté c’est un défi".
A. Degand