Le procès en appel autour des circonstances de la mort de la petite Mawda s’ouvre ce matin devant la cour d’appel de Mons. Les faits remontent à mai 2018. Mawda, une fillette kurde de 2 ans décédait d’un tir policier. Le policier à l’origine du coup de feu avait été condamné à un an de prison avec sursis en première instance, il fait donc appel de cette décision et demande l’acquittement.
Un an de prison avec sursis pour homicide involontaire par défaut de prévoyance ; voilà le verdict rendu par le Tribunal correctionnel de Mons en février dernier. Dans son jugement, la justice montoise reconnaît le caractère accidentel du coup feu mais estime que le policier a bien commis une faute en utilisant son arme et que cette faute était en lien direct avec la mort de la petite fille. C’est la raison pour laquelle l’homicide involontaire avait été retenu. Et c’est justement cette faute que le policier conteste aujourd’hui.
Le policier a commis une faute en utilisant son arme
Selon lui, le coup de feu avait pour but de stopper la camionnette de migrants à bord de laquelle se trouvait Mawda. C’est une embardée provoquée par le conducteur de la camionnette qui aurait ensuite donné lieu à une embardée de la voiture de police déclenchant ainsi le coup de feu accidentel. Pour maître Laurent Kennes, l’avocat du policier, "ce qu’on demande à un policier, c’est de réagir dans une situation qui peut paraître dangereuse et de le faire de manière proportionnée. Or ici, mon client se trouve à un moment donné à deux mètres d’un pneu. Donc a priori, cela ne constitue pas un danger. On lui dit qu’il y a là quelqu’un qui est poursuivi depuis 1h30. Comment voulez-vous qu’il se dise : " ce n’est pas grave, il ne faut surtout pas les arrêter" ? Je ne comprends pas alors pourquoi on les envoie. On les appelle, lui et son collègue, en dernier recours pour faire quelque chose. Donc venir a posteriori le lui reprocher en disant que c’est une faute d’avoir agi comme cela, ça devient incompréhensible". C’est la raison pour laquelle, le policier demande son acquittement.
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La formation du policier en question
Un autre argument évoqué lors du procès en première instance par l’avocat du policier, maître Laurent Kennes, celui de la formation du policier. Selon Me Kennes, la formation reçue par son client à l’époque n’interdisait pas formellement de tirer dans les pneus d’un véhicule en pleine course afin de le stopper. L’argument n’avait également pas été retenu par la justice montoise. Elle avait estimé qu’il n’y avait aucune proportionnalité entre le danger que représentait la camionnette et le risque pris par le policier en sortant son arme. L’absence de formation n’était donc pas de nature à excuser le policier qui n’aurait pas dû, en pareilles circonstances, sortir son arme. Concernant l’absence de formation, "cela aurait dû inciter le policier à d’autant plus de prudence".
Il faut cependant noter qu’à la suite de la décision du tribunal correctionnel de Mons, les manuels de police avaient été modifiés ainsi que la formation des policiers. Une décision qui fait réagir Me Laurent Kennes. "Si c’était si extraordinaire, on comprend mal pourquoi on a dû tout revoir et tout modifier et donner des instructions qui sont enfin claires par rapport à une position qui n’était pas du tout celle qui était adoptée à l’époque. A l’époque, on disait qu’on pouvait tirer dans les pneus. C’était une des options. Aujourd’hui, on dit que cela ne peut plus être le cas. A postériori, c’est facile de dire : " Vous auriez dû faire (en 2018) comme on va décider de faire (en 2020) alors que ce n’était pas le cas au moment des faits".
Il est incompréhensible de demander un acquittement lorsqu’on a tiré et tué quelqu’un
Face à la demande d’acquittement du policier, il y a l’incompréhension de l’avocate de la famille de Mawda. Selon maître Selma Benkhelifa, la justice "a déjà fait preuve d’indulgence en octroyant une peine avec sursis". Pour elle, il est "incompréhensible de demander un acquittement lorsqu’on a tiré et tué quelqu’un". De plus, ce procès en appel signifie une nouvelle épreuve morale pour ses clients qui ont déjà "subi" un premier procès.
Une chose est sûre, c’est désormais aux juges de la cour d’appel de trancher. Les débats devraient durer deux jours.