Avec La Vraie vie, son premier roman multi primé, l’auteure belge a déployé sa plume et ses ailes. Phénomène littéraire de l’année 2018, elle a depuis, essaimé son talent. Et pas que sur papier. Hep Taxi l’a rencontrée.
Traduit en 21 langues dont le coréen, le japonais, l'arménien ou l'hébreu. Vendu à plus de 300.000 exemplaires. Le roman, La Vraie vie d’Adeline Dieudonné publié, le 29 août 2018, aux éditions L’Iconoclaste, a révélé une écrivaine qui s’ignorait. Thomas Gunzig, lui, ne s’est pas fourvoyé lorsqu’il a incité la charmante inconnue, rencontrée dans un café bruxellois, à s’exprimer par écrit. C’est qu’à 33 ans, Adeline Dieudonné traverse une crise existentielle.
La marche du monde comme moteur de création
Employée dans un cabinet d’architecture d’intérieur où " ce que je fais n’a aucun sens " dit-elle, la vacuité percute la course folle d’un monde qui se sabote aveuglément, d’une planète ébranlée par les attentats. Mère de deux filles, Adeline réalise que " C’est vraiment la merde ! L’humanité, si on ne fait rien… Très activement, dans 100 ans, elle est appelée à si pas s’éteindre, à être très profondément bouleversée par des cycles de violence que j’ai même pas envie d’imaginer. Donc, je plante mon boulot en me disant que je vais faire un truc dans le développement durable ".
Son projet de plate-forme pour achats écoresponsables ne verra jamais le jour, remplacé par l’écriture de Bonobo Moussaka, son seul en scène. La rage aux tripes, Adeline Dieudonné y évoque " cette petite bourgeoisie de laquelle je suis issue et des horreurs qu’on peut entendre à table (…) à la fois en ce qui concerne l’écologie. Mais aussi sur les inégalités, sur le racisme ". Avec comme point de départ, un dîner de réveillon chez son cousin Martin à la sauce fiction. Cerise sur le gâteau…de Noël, la belle l’a joué sur scène. De sa première performance, à l’Os à Moelle à Bruxelles, elle se souvient : " Dès les toutes premières minutes, il y a des rires dans la salle et le truc prend. Et c’est incroyable ! ". Forcément. Le ton acerbe et cru où s’immisce un humour noir réjouissant, patte de la future romancière est déjà en place.
Un fringant premier roman
Flairant le phénomène d’édition, Le livre de Poche achète La Vraie vie avant sa publication officielle. Effet boule de neige. Des éditeurs étrangers misent également sur l’écrivaine en herbe anticipant les traductions. Le livre est envoyé aux prix littéraires à son grand étonnement. " C’est juste complètement transgressif d’avoir la prétention d’écrire un roman. Pour moi, les auteurs, soit, ils étaient morts. Soit, c’est des hommes ou des femmes qui avaient faits des grandes études de lettres " confie Adeline Dieudonné. Elle qui a arrêté sa formation théâtrale au Conservatoire de Bruxelles en cours de deuxième année puis, plaqué le cours Florent à Paris pour courir les castings. Toujours est-il que La Vraie vie est l’une des pépites de la rentrée littéraire 2018. Le Rossel, le Renaudot des lycéens, les prix Première Plume, romans Fnac ou encore Filigranes célèbrent l’ouvrage. Lequel fut aussi en lice sur la première liste du Goncourt. Excusez du peu !
Ce succès littéraire, une belle revanche
Un tel retentissement, ça vous change la vie. " Cela offre une légitimité et pour moi, c’est très important " glisse-t-elle dans le taxi. Et Adeline d’ajouter : " J’ai gagné en liberté. Quand on est comédienne, on est complètement dépendante de la volonté des autres. Les autres me disaient non. Maintenant, ils me disent oui. C’est un peu injuste. Le succès appelle au succès ". Parce que des castings, elle en a passé. Sans décrocher une légion de rôles. Ce qui l’a conduite à effectuer divers métiers comme serveuse, assistante de production dans le cinéma ou même vendeuse de sex-toys à domicile. Un job à contre-emploi pour une fille cash. Baratiner les gens pour glaner peanuts, pas vraiment le nirvana. Mais elle en a tiré une nouvelle, Amarula qui a remporté le Grand Prix du concours de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2017.
La bonne fortune et son talent ont mené Adeline Dieudonné sur les ondes de La Première où ses chroniques font mouche. De sa voie douce, elle balance des vérités et tire des constats implacables sur notre société bancale. Mais son premier roman, lui a également permis de renouer avec ses premières amours de comédienne en interprétant le rôle principal de " La Vraie vie " sur les planches jusqu’en 2023. Le livre sera également bientôt adapté au cinéma sous la houlette de la réalisatrice, Marie Monge.
Ne manquant pas de carburant, Adeline Dieudonné publiait en avril, Kérozène, son second roman rédigé pendant le confinement. L’écrivaine s’est enflammée pour 13 personnages bien frappés aux destins croisés dans une station-service des Ardennes. " J’avais juste besoin de lâcher les chevaux " explique la pyromane des lettres qui s’attache à dépeindre les pulsions humaines avec une rare violence. Sa plume noire et grinçante tranche tellement avec son physique, sa blondeur angélique. Ne jamais se fier aux apparences… Et la belle de conclure : " On a tous un niveau de perversion, de folie. C’est juste qu’on ne l’exprime pas, qu’on a une éducation qui nous apprend à cacher. Et probablement pour un mieux. Je suis persuadée qu’on est tous fous ". Reste à définir le concept de folie. Freud, Lacan ou Jung sont là pour ça.
Hep taxi !
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Retrouvez Adeline Dieudonné dans Hep Taxi en replay sur RTBF Auvio !