L’addiction au jeu vidéo, un terme qu’il est important de bien situer. Tout d’abord, la maladie mentale reconnue par l’OMS n’est pas une addiction aux jeux vidéo, comme certains médias francophones ont pu erronément le traduire depuis le terme anglais "gaming disorder", mais un "trouble" du jeu vidéo. En très simplifié, il faudrait un surinvestissement du jeu au détriment de la vie affective, familiale, scolaire, professionnelle, etc. sur une durée au moins de douze mois. Ce qui représenterait 1% à 2% de la population, selon la psychologue Vanessa Lalo, qui s’exprimait au micro de France Culture en 2019.
On a tous bingewatché des séries, ce n’est pas pour autant qu’on est addict
Pour parler d’addiction, il faut se référer à trois facteurs, comme nous l’explique Milan Hung, psychologue clinicien spécialisé dans la question du numérique chez l’enfant et l’adolescent.
"Dans le cadre de l’addiction aux jeux vidéo, on est dans le cadre d’une addiction comportementale, que l’on décrit selon sa fréquence, son intensité et sa durée. Au niveau de la fréquence, on se lance dans une action durant des temps excessifs, et surtout avec l’idée de la perte de la maîtrise. L’intensité, c’est qu’on est tellement pris par cette action au point de délaisser d’autres besoins vitaux, se nourrir, dormir, être en lien avec des gens, travailler, faire ses devoirs. La durée, c’est que ça persiste dans le temps. On a tous le droit d’avoir des moments d’addiction, on a tous bingewatché des séries, ce n’est pas pour autant qu’on est addict, car ça ne persiste pas sur la durée, et c’est un élément important à prendre en compte."
S’éloigner de l’image du joueur zombifié
Mais le praticien met en garde : "Ces critères diagnostiques, fréquence, intensité, durée, ça ne s’applique pas de manière aussi automatique quand on est dans une pratique de jeu vidéo", car la figure du joueur (ou de la joueuse) de jeu vidéo est entourée de beaucoup d’idées reçues et de fantasmes, souvent à cause d’une méconnaissance de l’activité vidéoludique.
"Quand on pense à l’addiction, on a une représentation très zombifiante de l’activité : ce serait une activité qui est faite automatiquement, sans réfléchir, qui n’exigerait aucun effort, ni mental, ni psychique, ni intellectuel. Or, quand on joue aux jeux vidéo, c’est totalement faux. Je ne trouve pas, et mes collègues non plus, que des personnes qui ont une pratique excessive du jeu vidéo jouent comme des zombies, ou qui ne réfléchissent pas. Au contraire, ils y retrouvent tellement que ça se répercute dans leur vie quotidienne. "
ll faut se dégager de la représentation fantasmatique comme quoi le jeu vidéo est un objet hypnotique
"Déjà il faut garder en tête quand on joue aux jeux vidéo, ce n’est jamais avec indifférence. On a toujours une part de nous qui est en jeu. Et le jeu vidéo, il n’avance que si le joueur l’alimente. Le jeu vidéo n’a au final aucun pouvoir direct sur le joueur, car c’est de la décision du joueur de passer autant de temps et de s’investir autant dans un jeu vidéo. Cette distinction-là est très importante : il faut se dégager de la représentation fantasmatique comme quoi le jeu vidéo est un objet hypnotique, et que vous allez vous retrouver sous son emprise sans pouvoir vous arrêter. C’est faux."
"Quand on voit quelqu’un jouer aux jeux vidéo, on se dit juste 'Il ne va plus en cours', 'Il ne mange presque plus', 'Il ne passe plus de temps avec nous', donc c’est parce qu’il joue au trop aux jeux vidéo, que c’est le jeu vidéo qui isole. En faisant ça, on reste sur une analyse très manifeste, très en surface."