"Acharnement, discrimination et corruption": le prince Laurent met en demeure le Premier ministre

Le prince Laurent met en demeure le Premier Ministre

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Par Maïté Warland

C’est une véritable secousse institutionnelle. Pour la première fois, un membre de la famille Royale met en demeure un Premier ministre ainsi que tout son gouvernement. Dans une lettre, dont la RTBF a pu se procurer une copie (à lire en entier ci-dessous), le prince Laurent demande donc à Charles Michel de réagir. Cette lettre commence comme ceci :

Monsieur le Premier ministre,

C’est de façon exceptionnelle que je m’adresse à vous personnellement, mais ce sont des circonstances tout aussi exceptionnelles qui m’y contraignent […]

Le frère du Roi estime que le Premier ministre doit intervenir en sa faveur pour que son ex-ASBL, la GSDT, récupère l’argent qu’elle avait investi en Libye, en 2008. Nous avions déjà plusieurs fois parlé de cette affaire. Le prince est engagé dans un combat judiciaire de longue haleine avec l’État libyen à qui il reproche d’avoir cassé un contrat pour un projet environnemental qu'il voulait développer.

La Justice belge a, par deux fois déjà, donné raison au prince Laurent mais les Libyens traînent et enchaînent les recours divers et variés pour éviter le paiement de la somme, qui s’élève aujourd’hui à près de 50 millions d’euros.


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Mais alors, quel rapport avec Charles Michel?

La lettre, datée du 24 janvier dernier, concerne en fait la non-réaction du gouvernement belge face aux demandes répétées des avocats du prince pour que la Belgique l’aide dans la récupération de cet argent.

Le prince Laurent y retrace l’historique de son aventure libyenne, il recontextualise aussi sa condition : «Je ne dois pas vous rappeler qu’en raison de l’interdiction qui m’a été faite, déjà avant l’octroi d’une dotation, de mener une carrière professionnelle normale, c’est au travers de différentes institutions et associations sans but lucratif que j’ai été contraint d’exercer mes activités […]». Le prince fait donc clairement référence aux récents ennuis qu’il a eus à gérer avec le gouvernement Michel Ier.

Il rappelle ensuite les efforts «incessants» de ses avocats pour tenter de pouvoir, lui aussi, bénéficier des fameux fonds libyens présents sur le sol belge : «En effet, alors que la Belgique est gardienne depuis 2011 de plus de 14 milliards d’euros, à l’époque, de fonds libyens gelés en exécution de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et de règlements européens, certains responsables des ministères des Affaires étrangères et des Finances ont obstinément refusé de dégeler de quoi payer cette indemnité».

En novembre dernier, Laurent Arnauts, l’avocat du prince Laurent, expliquait : «Le gouvernement belge a déjà fait en sorte que les autres entreprises qui avaient des créances à l’égard de la Libye soient intégralement payées. Et la seule exception à ce jour, c’est l’ASBL du prince Laurent». Ce constat est répété dans la lettre.

Acharnement et pot-de-vin

Le prince devient alors plus personnel lorsqu’il aborde les raisons potentielles de la non-réaction du gouvernement : «Il n’est donc pas exagéré d’affirmer qu’au-delà de l’expression d’une position dans un débat juridique, certains responsables de l’administration et/ou membres du gouvernement font preuve d’une forme très inhabituelle d’acharnement à l’encontre de mon ASBL, favorisant ainsi certains intérêts libyens». Il parle également de discrimination à son encontre et à l’encontre de son ASBL.

Dans un des points détaillés dans son courrier - il y en a seize en tout -, le prince aborde aussi des tentatives d’intermédiaires véreux, «promettant d’obtenir le paiement de l’indemnité due à l’ASBL moyennant des commissions importantes». Le prince poursuit : «Il va de soi que je ne souhaite toujours pas alimenter la corruption, et encore moins permettre d’éventuelles 'rétrocommissions' en Belgique, que l’absence de transparence dans ce dossier permet de redouter».

En conclusion, le frère du roi Philippe explique à Charles Michel qu’il ne souhaite «plus prendre son mal en patience» et prévient donc : "Une fois de plus, vous ne me laissez donc pas d'autres choix que d'exercer pleinement les droits de justiciable qui sont aussi les miens, et par conséquent d'inviter le Gouvernement, et pour autant que besoin le mettre en demeure, de déployer les mêmes efforts en vue d'obtenir des responsables libyens, l'exécution de l'arrêt rendu de la Cour d'appel en faveur de l'ASBL en 2014, et d'en rendre compte".

Une réelle mise en demeure? 

La lettre du prince Laurent mentionne donc "une mise en demeure". Mais en est-ce vraiment une ? La mise en demeure est un acte formel qui précède l'action en justice. Il s'agit donc, pour le prince et ses conseillers, d'une dernière chance laissée au gouvernement pour réagir, avant d'autres démarches. 

Pour l’instant, selon nos sources, Charles Michel n’aurait pas encore répondu à cette lettre. Mais, dans un communiqué, le Premier ministre rejette cette demande, rappelant le principe de l'Etat de droit et de la séparation des pouvoirs. Le Premier ministre indique que "la loi est la même pour tout le monde et que ce sont les cours et les tribunaux qui appliquent la loi".

La lettre complète du prince Laurent

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