Après sept ans de discussions, la Chine et l’Union européenne ont fini par conclure aujourd’hui un accord de principe sur la protection réciproque de leurs investissements. De quoi s’agit-il ? Il ne s’agit pas d’un accord de libre-échange concernant des transactions commerciales mais d’un texte visant à garantir les conditions d’activité des entrepreneurs lorsqu’ils investissent dans l’UE et en Chine.
Pourtant, la France, les Pays Bas, la Belgique étaient très réticents à l’idée de s’entendre avec une Chine qui a recours au travail forcé. Pékin aurait fait des concessions. La Chine s’est engagée à "des efforts continus et soutenus" pour ratifier les conventions l’Organisation internationale du travail (OIT) en matière de travail forcé. Selon la Commission européenne, un "groupe de travail spécifique" suivra la mise en œuvre de cette promesse.
Autres raisons de douter, jusqu’ici la Chine ne jouait pas le jeu de l’Organisation mondiale de commerce (OMC), notamment les règles de la concurrence. Les entreprises Européennes n’étaient pas traitées de la même manière en Chine que celles du géant asiatique dans l’Union. De fait, le déficit commercial de l’Union européenne vis-à-vis de la Chine n’a cessé de s’aggraver, de l’ordre de 150 milliards d’euros par an environ.
Là aussi, Pékin promet de rééquilibrer la relation commerciale entre les deux puissances. D’après Bruxelles, la Chine offrira un accès "sans précédent" au marché chinois. Le texte "établit des règles très claires" en matière de respect de la propriété intellectuelle des entreprises européennes, de transferts de technologie et de subventions versées aux entreprises publiques chinoises.
Un jeu de dupe à propos des droits humains ?
La Chine serait-elle donc sur le point de mettre un terme au travail forcé dans ses entreprises, dont certaines exportent des produits en Europe ? "Les chinois sont des partenaires commerciaux de l’Europe et du monde entier, donc il est évident que pour des entrepreneurs, il est important d’avoir des accords avec la Chine, mais il faut des balises", réagit Marie Arena, eurodéputée (PS), présidente de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen.
"Va-t-on changer les droits de l’homme en Chine par un accord d’investissements ? Je ne le pense pas. En revanche, nous avons la possibilité au niveau européen d’avoir une loi sur la responsabilité des entreprises, quand elles agissent en dehors de l’Europe. Et donc c’est cette loi qu’il faut avoir avant de signer un accord commercial avec la Chine, pour garantir que des opérateurs européens ne soient pas complices de ces actes qui violent les droits fondamentaux, en Chine".
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"Ce qui me choque, c’est que cette année, l’actualité chinoise était particulièrement riche en matière de violations des droits humains", déplore Thierry Kellner, enseignant au Département de Science politique de l'ULB, "dans le Xinjiang avec les musulmans Ouighours, mais aussi à Hong-Kong, et tout récemment, la journaliste Zhang Zhan a été condamnée à 4 ans de prison pour avoir fait des reportages à Wuhan. Donc on récompense un Etat qui sur le plan des valeurs est l’exact opposé des valeurs européennes. Le business passe avant les règles éthiques…".