Drame de Bracquegnies

Accident mortel avec responsabilité comme à Bracquegnies : quelles sont les peines appliquées dans les autres pays ?

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Par Xavier Lambert (RTBF Info)

EDIT: cet article a été modifié le 30 mars pour ajouter une prévention existant dans le code pénal belge, punie plus sévèrement que l'homicide involontaire


Dimanche dernier, Paolo F. , tuait six personnes et en blessait des dizaines d’autres en fonçant dans un groupe du carnaval de Bracquegnies. La décision de la juge d’instruction de l’inculper mardi pour homicide involontaire et non pas pour meurtre, chef d’inculpation que le parquet avait retenu dans un premier temps, a beaucoup choqué dans la région du Centre.

Les gens touchés par le drame avaient du mal à comprendre qu’on puisse qualifier de simple accident ce drame alors que le conducteur roulait visiblement à une vitesse excessive, n’avait freiné que très tardivement, et ne s’était même pas arrêté après l’impact.

Mais comme nous l’ont expliqué plusieurs pénalistes, tout dépend de "l’intention homicide": peu importe que la responsabilité du conducteur soit lourde ou non, pour conserver la qualification de meurtre, il faut qu’il y ait des preuves d’une volonté délibérée de tuer. Qu'il se dise avant l'impact "je vais foncer sur eux dans le but de les tuer". Et ça, la juge d’instruction n’en a pas trouvé les preuves dans les premiers éléments de l’enquête. (Rappelons en effet, que la qualification est provisoire jusqu’à la fin de l’enquête, et qu’elle pourra évoluer en fonction des éléments recueillis).

Si cela a choqué parmi les personnes proches du drame, c’est qu’à ces qualifications sont liées des peines maximales très différentes : 5 ans maximum pour un homicide involontaire dans le cadre d’un accident de la circulation, contre 20 à 30 ans pour un meurtre.

S’il y a un tel écart, c’est que la Belgique n’a pas vraiment de qualification (ni de peine) intermédiaire entre le "simple" accident et le meurtre pur et dur, même si le juge de police pourra tenir compte d’un certain nombre de circonstances atténuantes ou aggravantes pour fixer la peine. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays : de l’autre côté de l’Atlantique ou de la Manche, un chauffeur responsable d’un accident mortel peut même passer sa vie en prison !

Petit tour d’horizon :

Angleterre, Canada et Etats-Unis : la prison à vie

La législation du Canada est sans doute une des plus dures : la sanction maximale pour l’infraction de conduite avec les capacités affaiblies causant la mort, c’est tout simplement la prison à perpétuité. Le juge n’est pas obligé d’appliquer la peine maximale, mais la peine de prison est la règle de toute façon.

Aux Etats-Unis, les règles varient d’un état à l’autre, mais l'"homicide lié à la conduite d’un véhicule" est souvent reconnu à deux conditions :

  • un lien de causalité entre la conduite du véhicule et le décès, certains États prévoyant le cas où le décès n’est pas immédiatement consécutif à l’accident ;
  • la négligence du conducteur.

Dans les États dans lesquels la simple négligence du conducteur suffit, la durée maximale de la peine d’emprisonnement atteint quinze ans et l’amende 20 000 dollars.

Et ce n’est pas tout puisque contrairement à nos pays, où on pratique en général "l’absorption" des peines, le cumul des peines est fréquent aux Etats-Unis, ce qui avait récemment provoqué la polémique avec une peine de 110 ans pour un chauffeur routier dont les freins avaient lâché et qui avait causé 4 morts…

"Conduite dangereuse" en Angleterre

Les conducteurs britanniques reconnus coupables d’avoir causé un accident mortel avec des circonstances aggravantes risquent également la prison à perpétuité.

C’est le cas notamment des accidents mortels accompagnés de circonstances aggravantes comme la consommation de stupéfiants, d’alcool, d’excès de vitesse ou encore de l’utilisation du téléphone au volant.

La peine maximale, qui était auparavant de 14 ans, a été relevée à la prison à perpétuité, mettant alors au même niveau un accident mortel de la route et un meurtre.

En France, des peines jusqu’à 10 ans de prison en cas de fuite, d’ivresse et d’excès important de vitesse

En France, c’est l’homicide involontaire qui est retenu, comme en Belgique, avec des dispositions spécifiques pour les accidents de la route. "Lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité est commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’homicide involontaire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende".

Mais le législateur a prévu divers critères qui peuvent porter la peine à 7 ans, voire à dix ans, si un ou plusieurs sont rencontrés. Parmi ceux-ci, la présence d’alcool dans le sang, l’excès de vitesse important, et le fait de ne pas s’être arrêté après l’accident.

En Europe, des peines plus graves dans des cas similaires à l’accident de Bracquegnies

Ailleurs en Europe, il est fréquent que ce que l’on sait des circonstances du drame de Bracquegnies entrainerait un risque d’une peine maximale plus élevée que ce qu’elle est en Belgique.

En Italie, la peine pour "un homicide involontaire avec circonstances aggravantes" peut atteindre 10 ans lorsque l’automobiliste a tué plusieurs personnes, ou lorsqu’il en a tué une et qu’il y a eu également des blessés.

Aux Pays-Bas, la peine est aggravée dans deux cas, et est portée à neuf ans lorsque le conducteur à l’origine de l’accident mortel :

  • conduit en état d’ivresse ou sous l’influence de substances qui altèrent la vigilance au volant, que cet état ait été avéré ou que le conducteur ait refusé de se soumettre aux analyses permettant de le mettre en évidence
  • OU
  • dépasse " de façon sérieuse " la limite de vitesse.

Un code moins "dur" en Belgique ?

Autrement dit, si la décision de la juge d’instruction de requalifier les faits en "homicide involontaire" a tant choqué, c’est sans doute justement parce que le code pénal belge ne prévoit pas de qualification plus grave que l’homicide involontaire en cas d’excès de vitesse important, d’absorption d’alcool ou de fuite.

Plusieurs internautes, parmi lesquels des avocats; nous ont cependant fait remarquer qu'il existait une prévention avec des peines plus sévères, liées aux accidents routiers: il s'agit de l'entrave méchante à la circulation. Le code pénal prévoir en effet que  "Sra puni de la réclusion de cinq ans à dix ans celui qui aura méchamment entravé la circulation ferroviaire, routière, fluviale ou maritime par toute action portant atteinte aux voies de communication, aux ouvrages d’art ou au matériel, ou par toute autre action de nature à rendre dangereux la circulation ou l’usage des moyens de transport ou à provoquer des accidents à l’occasion de leur usage ou de leur circulation". 

Pris au sens strict, cet article pourrait s'appliquer dans le cas d'une conduite avec une vitesse beaucoup trop rapide. L’entrave est en effet définie comme l’action qui rend la circulation dangereuse ou de nature à provoquer un accident. Dans la jurisprudence, on se rend toutefois compte que cette prévention a surtout été retenue dans le cas de conduites volontairement agressives, comme des coups d'accélération/de frein, ou le blocage d'une route, par exemple.

Enfin, s'il était établi que le chauffeur a volontairement foncé dans la foule à un moment ou un autre, dans le but de prendre la fuite par exemple, son acte pourrait aussi être qualifié en "coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", prévention qui est associée également à des peines plus graves.

 

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