Plus de 23.000 élèves scolarisés en Fédération Wallonie-Bruxelles comptabilisent au moins 9 demi-jours d’absence à l’école entre fin août et décembre 2022. Ils sont donc considérés comme étant en situation d’absentéisme. Ce chiffre n'a cessé d'augmenter ces dernières années.
Pour Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons, cette situation n’a rien d’étonnant. L’augmentation serait une conséquence de la crise covid et des confinements successifs. "Le problème n’est pas au moment de la reprise mais un peu après. On a sans doute été trop vite pour la reprise donc tous ceux qui avaient été fragilisés ont décroché."
L’absentéisme crée le décrochage et le décrochage intensifie les risques d’absentéisme
Un cercle vicieux qui s’installe si les élèves ne comprennent plus la matière. "Quand un élève ne comprend plus, soit il fait le mort (il est là mais n’écoute plus), soit il fait le fou. On est dans les mécanismes où un élève ne trouve plus le sens d’être à l’école parce qu’il n’est plus en situation d’apprendre et qu’il a l’impression qu’on lui parle de quelque chose qu’il n’est plus en mesure de comprendre", indique le psychopédagogue.
Cela peut amener à du "décramponage", quand l’élève disparaît même des radars de l’école. "C’est un pas supplémentaire" précise Bruno Humbeeck, "et, suite au covid, il y en a eu beaucoup. Ce sont des élèves qui ne se sentent plus concernés par l’école, plus impliqués. Il est important d’aller les rechercher là où ils sont et mettre en place des procédures plus consistantes dans la communauté scolaire avec l’objectif de remettre du lien social."
Pendant la crise du covid, les enseignants étaient dans le démerdentiel
La gestion ou plutôt la non-gestion de l’enseignement pendant la crise du Covid a accentué les risques de décrochage selon Bruno Humbeeck. Les cours à distance, en imposant la caméra allumée, "c'est quelque chose qu’on aurait dû demander aux enseignants mais qui n’a pas été fait. Et suite à cela, des élèves ont décroché parce qu’ils n’étaient pas vraiment en classe."
Le cyberharcèlement comme autre cause
Autre élément qui pourrait expliquer le décrochage des élèves : les réseaux sociaux. Ceux-ci sont de plus en plus présents dans la vie des élèves et, avec eux, le cyberharcèlement. "On l’a vu, cela a fait beaucoup de dégâts pendant le confinement avec une agressivité hors norme. Et les élèves harcelés ne sont plus en situation d’apprentissage parce que, même au niveau biochimique, cela active l’hormone du stress qui empêche de retenir des choses. Cela aussi augmente les risques de décrochage."
Une remise en question de l’école ?
L’école se définit-elle comme un endroit où l’on pose des questions et on donne des réponses aux élèves en décrochage ? Non selon le psychopédagogue. Et cela serait propre à la Belgique. "L’enfant qui n’a pas compris quelque chose doit être en mesure de poser des questions sans sentir qu’il se met en position d’infériorité. Huit enfants Danois sur dix qui lèvent leur doigt pour poser une question ont le sentiment de faire quelque chose de positif. C’est exactement l’inverse chez les jeunes Belges. Ils ont l’impression de montrer une faiblesse."
La perception de l’école et du parcours d’apprentissage devrait donc être modifiée selon l'expert de l'UMons : "Les parents aussi doivent percevoir l’école comme une manière de nourrir le plaisir de découvrir et d’apprendre"
Bruno Humbeeck considère qu’il faut redonner du sens dans l’apprentissage pour éviter le décrochage et donc l’absentéisme. Il trouve indispensable d’avoir un système scolaire obligatoire mais cela ne suffit pas. "Si on se contente d’obliger les élèves à aller à l’école, vous allez avoir des enfants dans l’école mais qui ne seront pas à l’école parce qu’ils ne vont pas écouter et vous aurez un décrochage qui ne suppose pas un absentéisme physique mais qui est une forme d’absentéisme psychologique."
Un cadre serein, un système d’évaluation intelligent et un apprentissage actif sont, selon ce psychopédagogue, la clé pour réduire l’absentéisme scolaire qui touche de plus en plus massivement les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.