Ce jeudi soir, dans "Jeudi en Prime", Yves Coppieters, épidémiologiste et professeur de santé publique à l’ULB est revenu sur l’importance pour la Belgique de mieux anticiper les choses dans sa gestion de la crise du coronavirus. Un grave manquement au cours de la deuxième vague qui ne devrait pas se reproduire à l’avenir. D’ailleurs, explique celui qui a remplacé Georges-Louis Bouchez, invité initial, la résurgence du virus que l’on observe actuellement en France ou encore en Espagne, "sera fatalement chez nous d’ici une dizaine de jours". Ainsi, le maître-mot est : "anticipation".
A l’aune d’une deuxième vague ?
Actuellement, en Allemagne, la situation sanitaire se complique. Le taux de positivité est de 8% et les autorités ont d’ores et déjà annoncé qu’il n’était pas temps d’alléger les mesures. En France, les autorités parlent d’une "augmentation exponentielle des cas", avec 8500 nouvelles contaminations en 24h annoncées ce mercredi. D’ailleurs, la quasi totalité du pays a été placée en zone rouge ou orange. De même pour l’Espagne qui compte, ce jeudi 4137 nouvelles contaminations.
Et si la coordination au niveau européen est régulièrement pointée du doigt, pour Yves Coppieters, il est indispensable "de regarder ce qu’il se passe ailleurs" afin d’anticiper ce qui arrivera "fatalement chez nous dans 10 jours", indique-t-il ce jeudi. "Peut-être que nous sommes prêts, au niveau des hôpitaux et des testing mais il faut toujours aller voir ce qu’il se passe à côté", dit-il.
"L’idée n’est pas de dire nous sommes face à un scénario catastrophe. Le taux de positivité reste autour de 3 à 4% en Belgique. Donc, l’épidémie est toujours bien gérée chez nous. Mais nous devons regarder ce qu’il se passe à côté et craindre que cela puisse arriver chez nous". Mais, pour l'heure en Belgique, "l'épidémie est bien gérée, il ne faut pas avoir un discours alarmiste".
C’est aussi le contexte, avec le retour des vacances et la rentrée scolaire qui induisent des tendances qui repartiraient à la hausse. "Il faut s’attendre à une petite hausse des hospitalisations. Ça, c’est inévitable mais c’est maîtrisé. Au niveau de la population, il faut stabiliser les transmissions. (..) Il faut rester vigilant sans être alarmiste".
Encore beaucoup d'inconnues
"Ce virus on le connaît toujours très mal" et il reste un certain nombre d'inconnues qu'il faudra pouvoir ou du moins essayer de maîtriser. Notamment avec l'arrivée de l'hiver, explique l'épidémiologiste. "On est actuellement dans une situation assez calme. Mais nous n'avons pas encore le facteur facilitant que pourrait être l'hiver ou l'humidité qui pourrait réenclencher l'épidémie", souligne-t-il. "Sur la façon dont le virus va évoluer dans la population, là il y a encore beaucoup d'inconnues".
Une erreur à ne pas reproduire
Pour l’épidémiologiste, c’est cette capacité à anticiper qui nous a fait cruellement défaut au cours de la première vague. En effet, pour Yves Coppieters, qui a d’ailleurs rendu son rapport à la Commission spéciale sur la gestion de la crise, il y a eu un problème de leadership et un problème d’anticipation. "L’anticipation du danger et de la prise de conscience du danger, cette prise de conscience chez nos politiques a pris un certain temps alors qu’il y avait des signaux d’alerte qui indiquaient que la transmission n’était pas évidente à maîtriser et qu’il y avait une forte mortalité". Ainsi, pour lui, nous aurions dû regarder ce qu’il se passait ailleurs, en Chine ou encore en Italie.
"Je pense que nos décideurs ont sous-évalué le risque", tranche l’épidémiologiste. Selon lui, cela pourrait être dû à une sorte de "volonté de vouloir gérer à notre niveau les choses sans regarder ailleurs ce qu’il se passait".
Dans son rapport adressé à la Commission spéciale sur la gestion de la crise, Yves Coppieters a pointé plusieurs défaillances. Mais pour lui, la principale reste "le manque de communication et de leadership".
Pour lui, ce défaut d'anticipation et de leadership a certainement eu des conséquences pendant la première vague du coronavirus en Belgique. "On aurait dû réagir en termes de testing et avec les gestes barrières. Désormais, tous les modèles épidémiologiques l'ont montré, si nous avions imposé le port du masque dès le début, la première vague n'aurait pas eu cette allure".
Un problème de coordination qui persiste ?
Cette commission spéciale, au niveau fédéral, va durer près d'un an. Mais elle n'est pas la seule. Des commissions spéciales ont également été mises sur pied dans les Régions. La commission wallonne rendra son rapport dans trois mois, explique Yves Coppieters. "Cela, c'est un peu bizarre. La Région wallonne va déjà tirer des conclusions dans trois mois mais qui ne seront pas prises en compte dans la Commission fédérale. Je pense que là encore il manque de la coordination et de l'échange. Il faut que les conclusions d'une commission puissent servir à l'autre".
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De plus, explique Yves Coppieters, "ce que j'observe c'est que c'est une commission (au niveau fédéral, ndlr) très politisée, ce n'est pas une injure, mais on sent que les partis essayent déjà de trouver des justifications en internes, par rapport à des risques ou des méthodologies que l'on pourrait interroger. Donc j'espère que les échanges actuels ne vont pas prendre trop de temps. Si l'on veut arriver à des conclusions, ou en tout cas à des débats, ils doivent aller plus vite".
Bouchez met les autres négociateurs en danger
Ce jeudi, dans Jeudi en prime, c'est George-Louis Bouchez qui aurait dû être l'invité. Mais le président du MR a finalement décliné l'offre quelques heures avant l'antenne, invoquant les négociations en cours.
Ces dernières heures, la position du président du MR a suscité de l’étonnement au sein des négociateurs. Georges-Louis Bouchez, contrairement aux autres présidents de parti, estime qu’il ne doit pas respecter de quarantaine.
Pour l'épidémiologiste, c'est prendre le risque de mettre les autres en danger. "Il faut au moins deux tests, un test maintenant et un test dans trois ou quatre jours pour être sûr qu'il ne mette pas en danger sa santé et celle des autres". Et d'ajouter, "là je pense qu'il y a un vrai principe de précaution."
Néanmoins, explique l'expert, le débat de réduire cette quarantaine peut être entendu. "C'est vrai que si on n'est pas symptomatique, une quarantaine de sept jours peut être suffisante. Mais si nous sommes symptomatique, avec un test positif, il faut quand même attendre dix à 14 jours".
Dans un tweet, Georges-Louis Bouchez a répondu à l'expert. "Monsieur Yves Coppieters, vous connaissez les règles mieux que nombre d’entre nous. Pouvez-vous donc confirmer que lorsque l’on a pas été à moins de 1,50 mètre pendant plus de 15 minutes d’une personne infectée, il ne faut pas se mettre en quarantaine ?", a demandé la président du MR à l'épidémiologiste. Tout en ajoutant qu'il ne revenait pas d'une "zone rouge".