Patrimoine

À Palma de Majorque, une épave romaine et son exceptionnelle cargaison font surface à quelques mètres de la plage

Les amphores très bien conservées dans la cargaison du navire romain découvert près de la plage de Palma de Majorque.

© Projecte ARQUEOMALLORNAUTA Consell de Mallorca / UB / UCA / UIB

Par Johan Rennotte

Elle gît sous deux mètres de profondeur, et à une cinquantaine de mètres seulement de l’une des plages les plus fréquentées de Palma de Majorque, sur l’archipel des Baléares. L’épave romaine vieille de 1700 ans, découverte en 2019, a été fouillée par les archéologues durant plusieurs mois. Son excavation s’est terminée en février dernier, et les premières découvertes font surface.

Enfouie sous le sable, elle a été bien protégée de l’eau salée et des assauts des touristes qui envahissent la plage tous les étés. Il est exceptionnel de trouver un tel vestige si proche d’une activité humaine intense et potentiellement destructrice, d’autant plus que les restes du bateau sont dans un rare état de conservation.

Une épave d’un navire marchand romain découverte à quelques mètres de la plage de Palma de Majorque.
Une épave d’un navire marchand romain découverte à quelques mètres de la plage de Palma de Majorque. © Projecte ARQUEOMALLORNAUTA Consell de Mallorca / UB / UCA / UIB

Le navire marchant de 12 mètres de long, baptisé Ses Fontanelles, contenait près de 300 amphores renfermant de l’huile, du vin, des olives, du moût pour la conservation des fruits, et du "garum", un condiment à base de poisson fermenté très prisé dans la Rome antique. Une bonne partie des amphores sont marquées de "tituli picti", soit des inscriptions qui donnent des informations sur le contenu ou la provenance de ce qu’elles renferment. On a rarement découvert une telle quantité de ces inscriptions au même endroit.

La cargaison sous-marine de l’épave trouvée à Palma est très bien conservée.
La cargaison sous-marine de l’épave trouvée à Palma est très bien conservée. © Projecte ARQUEOMALLORNAUTA Consell de Mallorca / UB / UCA / UIB

Beaucoup d’autres objets ont également été retrouvés intacts, comme des morceaux de textiles, une chaussure en cuir, une marmite, une lampe à huile, ou encore une espadrille. Autre objet remarquable, une perceuse à arc, rare outil utilisé pour réparer le bateau, dont il n’existe que quatre exemplaires connus dans le monde. Même le bois de la structure est dans un remarquable état, encore dur, comme s’il n’avait pas souffert des affres du temps.


C’est important en termes d’architecture navale car il y a très peu de bateaux anciens aussi bien conservés que celui-ci. Il n’y a pas de bateaux romains complets en Espagne.

A expliqué Darío Bernal-Casasola, archéologue à l’Université de Cadix, au journal britannique The Guardian.

Ce qui a également intrigué les scientifiques, c’est le fait que parmi les effets personnels des marins retrouvés, on compte de nombreux symboles païens, alors qu’une partie de la cargaison porte, elle, des symboles chrétiens. À une époque où la religion chrétienne était en concurrence avec les cultes romains, un navire païen transportant des marchandises destinées à des chrétiens est une trouvaille qui permet de jeter un regard neuf sur les relations au sein de l’Empire.

Grâce à des traces de minéraux dans l’argile des amphores, les scientifiques ont pu déterminer que le bateau venait de Carthagènes et rejoignait sans doute Rome lorsqu’il a fait escale aux Baléares. C’est là qu’une tempête aura eu raison de lui. Aucune trace de restes humains n’a été retrouvée, ce qui fait dire aux archéologues que soit l’équipage a pu rejoindre le littoral tout proche, soit les pauvres marins se sont fait emporter par les flots.

C’est une autre tempête qui, il y a trois ans, avait fait remonter l’épave du fond des sables, à la surprise générales. Un projet de sauvetage, baptisé Arqueomallornauta est en œuvre depuis lors. L’heure est à l’inventaire des objets trouvés, ce qui pourrait encore prendre plusieurs semaines.

Les cadres du projet songent à extraire l’entièreté de l'épave de l’eau, sans l’endommager. De nos jours, on préconise généralement de laisser les restes de navires où ils se trouvent, afin de ne pas les endommager. Mais les risques liés à l’importante présence humaine, mais aussi à l’augmentation des événements climatiques extrêmes, comme les tempêtes, font craindre pour son intégrité. Après plus d’un millénaire et demi passé sous le sable, le Ses Fontanelles et sa précieuse cargaison pourraient à l’avenir rejoindre le Museu de Mallorca, afin de montrer au public ce petit trésor méditerranéen.

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