On sort parfois d’un match de foot comme on se réveille d’une sieste trop longue : sans rien savoir, ni l’heure qu’il est, ni où l’on habite, ni même si c’est bien un troupeau d’éléphants qui vient de nous piétiner le corps. L’avantage des couloirs tortueux de la RTBF, c’est qu’on y voit l’heure un peu partout, souvent en rouge sur fond noir. Il était quelque chose comme 20h16 quand s’est achevée la rencontre supposée festive entre l’Irlande et la Belgique. Les premiers fêtaient leur centenaire, les seconds ses " U50 ". Mais nous sommes tous repartis de là à peine enivrés, les chaussures bien trop propres foulant un parquet à peine collant, frustrés par un spectacle trop sage alors même que nous espérions naïvement une jolie surprise. Au final, il y eut bien quelques enseignements à tirer pour Roberto Martinez, qui a avoué avoir apprécié quelques subtilités tactiques dont seuls lui et son staff peuvent tirer une réelle jouissance. Pour nous, simples mortels, c’est tantôt un sentiment de frustration mêlé à une légère peur du vide qui émanait de ce match amical. Certains étaient logiquement déçus, d’autres terriblement angoissés, faute de pouvoir s’empêcher de se projeter à la fin du mois de novembre alors même que l’on n’a pas encore réellement commencé à profiter des premiers rayons de soleil. Évidemment, il y a à dire sur cette première sans les cadres. La Belgique est moins flamboyante qu’avec ses tauliers. On le savait. La Belgique semble vacillante dans le secteur défensif. On le savait également puisqu’à l’Euro déjà, on s’est rappelé que jusqu’à preuve du contraire, c’était toujours dans les vieux pots qu’on faisait les meilleurs confitures. On a vu un Leander Dendoncker intéressant, pensé à Tim Castagne, apprécié les montées d’Arthur Theate, comparé le Charles de Bruges et le Charles de Dublin, mais la réalité n’était pas enthousiasmante. Ce n’était pas la relève, mais une équipe A’, qui donnait envie de plus de turnover et moins de sagesse, quitte à ne pas tirer énormément de conclusions du déplacement irlandais. Il devrait y en avoir plus ce mardi soir face au Burkina Faso et le sang frais pourrait avoir une couleur qui tire plus vers le mauve que vers le rouge vif. Yari Verschaeren, n’est plus le gosse à qui on a offert un pénalty face à Saint-Martin en octobre 2019. Sambi Lokonga vit une année d’apprentissage intense et importante du côté d’Arsenal. Mais c’est un autre enfant de Neerpede qu’il me tarde de voir honorer sa première sélection : Siebe Van der Heyden.
Vous allez certainement me dire que ça n’a rien à voir. Et pourtant. Il y a exactement une semaine, j’étais au Tubize français, à Clairefontaine, où j’ai pu échanger avec Jonathan Clauss, le piston droit du RC Lens, qui ne ferait d’ailleurs pas tâche dans le système de Felice Mazzu. Dans ces endroits où les champions passent, restent, disparaissent parfois, certains ne pénètrent pas les couloirs mythiques avec les mêmes yeux que les autres. Ceux de Jonathan Clauss, comme ceux de Siebe Van der Heyden, étaient grands ouverts. Sûrs de leurs qualités, les deux joueurs ne sont pas en séjour à Disneyland, mais leur histoire personnelle confère à leur présence en équipe nationale quelque chose de spécial. Plus âgé, le Lensois, en échec après un passage au centre de formation de Strasbourg, prenait sa convocation avec simplicité, joie et philosophie. Un triptyque gagnant qui a rendu contagieux son bonheur du moment que j’ai partagé, sans le vouloir, de manière instantanée. C’est la même forme de satisfaction que je ressens pour Siebe Van der Heyden. La même que l’on ressentirait pour un pote qui réalise un rêve après avoir ramé. Ou pour un inconnu dont on nous raconte la belle histoire qui ne peut que susciter l’empathie et le partage. Des tranches de vie qui contrastent avec l’aspect parfois robotique de celles quelques cadors du football, et qui ne doivent pourtant rien au hasard. Comme beaucoup, j’ai découvert Van der Heyden à l’Union cette année. Ce qui m’a d’abord marqué, c’est un bruit. Au stade, certains contacts font mal rien qu’au son. Celui que j’ai entendu m’a fait passer l’envie d’aller au duel avec le défenseur unioniste. Un joueur dont la convocation et l’éventuelle première sélection ne doit en aucun cas avoir l’air d’une faveur. Sous prétexte que la sélection est sans les cadres. Qu’il évolue chez le leader de la compétition nationale. L'Unioniste a un profil très intéressant bien au-delà de son côté rugueux. Sa connaissance d’un système, déjà, qui permet par exemple à Arthur Theate d’être à l’aise. Sa faculté à apporter offensivement et à multiplier les aller-retours. Sa discipline tactique, également. Il pourrait être l’un des petits frissons de ce mardi lors d’un match où on en aura besoin pour ne pas refaire l’erreur de la mauvaise sieste. Van der Heyden, quant à lui, pourra rêver un peu. Éveillé.