Politique

À Jeudi en Prime, le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, défend le dispositif d’accueil des réfugiés ukrainiens

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Par Jean-François Noulet

Sammy Mahdi, secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, était l’invité de l’émission Jeudi en Prime, sur la Une, après le Journal Télévisé. Alors que le HCR, le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies évaluent à plus d’un million de personnes les Ukrainiens ayant fui leur pays en guerre, l’accueil de ces réfugiés représente un défi pour l’Europe. Comment cela se passe-t-il en Belgique ? Qu’est-il prévu ? Comment expliquer que les personnes fuyant la guerre en Ukraine obtiendront immédiatement un statut de protection automatique ? Autant de questions auxquelles le secrétaire d’Etat a apporté des réponses.

Sammy Mahdi satisfait du statut "de protection temporaire automatique" accordé aux réfugiés ukrainiens

Plus d’un million de personnes fuyant leur pays en l’espace d’une semaine, c’est beaucoup et c’est sans précédent dans l’histoire récente de l’Europe. "Pour faire la comparaison avec la grosse crise migratoire qu’on a connue en 2015 avec les Syriens, on était à 1,3 million de réfugiés sur une année sur le territoire européen", explique Sammy Mahdi, le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration. "Aujourd’hui, en l’espace d’une semaine, on est déjà à un million de réfugiés ukrainiens sur le territoire de l’Union européenne", poursuit Sammy Mahdi.

Face à cette ampleur, l’Europe active la "procédure de protection temporaire automatique". Cette procédure existe depuis 2001, suite à la guerre en ex-Yougoslavie, mais n’avait jamais été appliquée. C’était nécessaire de le faire, selon Sammy Mahdi qui est "satisfait" de cette décision. "Quand aux frontières de l’Europe, il y a des conflits et que les personnes arrivent directement sur le territoire de l’Union européenne, vu que c’est un pays frontalier, on doit pouvoir trouver une solution rapide", explique Sammy Mahdi qui fait la comparaison avec le statut spécifique qu’a créé la Turquie pour les réfugiés en provenance de la Syrie voisine.

Pour les Ukrainiens qui dès qu’ils "mettent un pied en dehors de leur pays viennent directement dans l’Union européenne", c’est important "d’avoir une directive qui donne une protection automatique à ces personnes", estime Sammy Mahdi.

De facto, ces réfugiés obtiendront un droit de résidence, le droit de travailler, de scolariser leurs enfants, par exemple. "Ils passent par une procédure plus rapide. Ils ne passent pas par la procédure d’asile, ne vont pas au Petit-Château pour introduire une demande d’asile et ne sont pas dans un centre d’asile pendant une procédure qui généralement dure trop longtemps pour les demandeurs d’asile, en moyenne un an", explique Sammy Mahdi.

Le réfugié ukrainien qui arrivera en Europe "recevra une protection automatique d’un an. Elle sera prolongeable deux fois pour une durée de maximum six mois, pour arriver à deux ans", précise le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration.

Ce statut automatique est-il discriminatoire par rapport aux autres demandeurs d’asile ?

L’activation de la procédure de protection automatique temporaire pour les réfugiés ukrainiens est une première au niveau européen. Certaines voix, notamment chez Amnesty International, se sont déjà fait entendre pour espérer que cette procédure s’applique à l’avenir aussi à des réfugiés d’autres nationalités.

Ces derniers jours, devant le Petit-Château, on pouvait voir deux files d’attente, une pour les personnes ayant fui l’Ukraine, une autre pour tous les autres demandeurs d’asile. Prochainement, les Ukrainiens ne devront plus passer par le Petit-Château du tout. Sammy Mahdi justifie cette différence de traitement. "Les autres sont des demandeurs d’asile. Ils entrent au Petit-Château, introduisent leur dossier et ça prend du temps pour savoir si oui ou non ils ont droit à la protection internationale", rappelle Sammy Mahdi. Car tous ne fuient pas des guerres, explique le secrétaire d'Etat. Au passage, il rappelle que seulement 40% des demandeurs d’asile reçoivent au final une protection internationale. "Le reste ne reçoit pas de protection internationale parce qu’ils viennent d’un pays ou parce que leur situation personnelle ne leur donne pas une protection internationale sur base des conventions et du droit européen" argumente Sammy Mahdi. "Et donc, une procédure doit être faite pour contrôler", ajoute-t-il.

Pourquoi ne pas le faire pour les Ukrainiens ? "Parce que l’Ukraine est à la frontière de l’Europe. Tout autant que la Turquie a créé un statut différent pour les Syriens, on fait de même, parce que l’Ukrainien quitte son pays au moment où les bombes partout en Ukraine, et il y a une nécessité à accélérer la procédure et garantir à court terme, pendant un an, un statut pour ces personnes-là. Et puis, il y a une évaluation qui se fait", explique Sammy Mahdi.

Vu qu’il y a un million de personnes, au moins, qui arrivent actuellement, "si on doit passer par la procédure d’asile, on ne s’en sort jamais", résume Sammy Mahdi.

Le secrétaire d'Etat à l’Asile et la Migration se réfère aux statistiques du HCR (Nations Unies) selon lesquelles, en cas de conflit, 90% des réfugiés restent "dans la région". Dans le cas de l’Ukraine, la région, c’est l’Europe. "Entre Bruxelles et Malaga, il y a 2100 km. Entre Bruxelles et Lviv, en Ukraine, il y a 1600 km. Donc, on est la région", résume Sammy Mahdi. "Donc on doit garantir qu’une structure est mise en place pour que cet accueil dans la région se fasse de la façon nécessaire", estime Sammy Mahdi.

Pour Sammy Mahdi, les demandeurs d’asile venant d’autres pays, par exemple, la Syrie ne sont pas moins aidés. "Ces gens-là reçoivent un li, à manger, des formations. Ces personnes attendent leur procédure. En moyenne, ça prend un an parce qu’il faut faire un screening correct de chaque personne. Si ces personnes-là reçoivent la protection internationale parce qu’elles fuient un danger, ce qui représente 40%, elles font partie de la société", explique Sammy Mahdi.

Déjà plus de 14.000 places d’hébergement disponibles

Sammy Mahdi se réjouit de la mobilisation dans le pays pour accueillir les réfugiés ukrainiens. "Un succès énorme, je suis hyper fier", avoue Sammy Mahdi qui rappelle qu’en 2015, lors de l’afflux de réfugiés syriens, il y avait aussi eu "une énorme vague de solidarité".

Un appel a été lancé aux communes et aux citoyens de Belgique pour dégager des places d’hébergement. "On est à plus de 14.000 places offertes par des communes et par des personnes", se réjouit Sammy Mahdi. "Hier, on était à 499 communes, aujourd’hui à 539", ajoute le secrétaire d'Etat.

Cet accueil va coûter. Qui va payer ? L’Europe ?

"Là, il y a un travail à faire à tous les niveaux", estime Sammy Mahdi, lorsqu’on lui demande qui paiera l’addition de l’accueil des nombreux réfugiés ukrainiens.

Le secrétaire d’Etat a les yeux tournés vers l’Europe. "Cela coûte beaucoup à la Belgique, mais encore beaucoup plus à des pays comme la Pologne ou la Hongrie qui accueillent en ce moment des centaines de milliers de personnes", explique Sammy Mahdi. "L’Europe va devoir jouer un rôle important pour créer des fonds et garantir, pas seulement l’accueil, mais ces personnes, il faut les accueillir, les intégrer, faire en sorte qu’ils puissent trouver un travail, que les enfants puissent aller à l’école", En Belgique, ces aspects ont déjà été abordés en conférence interministérielle, entre le fédéral et les entités fédérées. "Il y a une volonté à tous les niveaux politiques, maintenant il faut faire le nécessaire", conclut Sammy Mahdi.

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