Cette semaine, dans " Le temps d’une histoire ", Patrick Weber vous propose " Ommegang, dans les coulisses d’une histoire belge ", une immersion au sein de la plus prestigieuse manifestation historique bruxelloise. De ses préparatifs aux festivités, un documentaire inédit évoque l’Ommegang classé au Patrimoine immatériel de l’UNESCO.

Historique, l’Ommegang l’est à bien des titres. Certes, si les festivités d’aujourd’hui évoquent l’Ommegang offert à Charles-Quint ainsi qu’à son fils, futur Philippe II et à sa cour en 1549, la tradition remonte bien plus loin dans l’histoire.

Charles Quint et son fils Philippe accueillis sur la Grand’place de Bruxelles…
Charles Quint et son fils Philippe accueillis sur la Grand’place de Bruxelles… © Agence Pep’s – Frédéric Andrieu.

Selon la légende, c’est en 1348 qu’est institué l’Ommegang, du moins celui de Bruxelles car, ce type de procession-cortège existait – et existe encore – dans de nombreuses villes flamandes, il suffit de citer ceux de Malines (né en 1492) ou Termonde (organisé tous les dix ans), également classés UNESO. De fait Bruxelles se classe parmi les plus anciennes traditions du genre.

À Bruxelles, l’Ommegang déroulait originellement ses fastes religieux et civils, le dimanche avant la Pentecôte. L’histoire veut qu’en 1348, Béatrice Soetkens, une anversoise, aurait reçu des messages de la Vierge lui demandant de faire réparer une statue invoquée sous le nom de " Notre-Dame à la branche ", quelque peu délaissée dans une église d’Anvers, pour l’amener en bateau, via l’Escaut et la Senne, en la chapelle du Sablon, à Bruxelles… Évidemment, le sacristain de l’église s’opposera au départ de la statue, la Vierge expliquera donc à Béatrice d’effectuer le voyage nuitamment. Ce qui fut fait.

Le char représentant la barque avec Béatrice Soetkens et la statue de la Vierge.

Apprenant les faits, les autorités religieuses et les édiles anversois demandèrent au duc Jean III de Brabant, de veiller à l’accueil respectueux de la statue. Le prince chargera les arbalétriers de cette tâche, d’autant que la chapelle désignée par la Vierge était leur propriété. Ces arbalétriers, aujourd’hui connus sous l’appellation d’" Arbalétriers du Grand serment royal et de Saint-Georges de Bruxelles ", décidèrent que, tous les ans, une procession commémorative " marcherait autour " de la chapelle, autour, " omme ", marcher, " gaan "… l’Ommegang était né.

De récentes recherches historiques tendent à prouver que le premier Ommegang de Bruxelles a eu lieu le 5 juin 1356, afin de commémorer la bataille de Woeringen, du 5 juin 1288 Il est évident que la manifestation n’était pas innocente, le Brabant étant à la veille d’être envahi par le comte de Flandre, du fait de la guerre de succession de Jean III. Et ce sont évidemment les arbalétriers qui organiseront cet Ommegang.

À l’occasion de l’Ommegang, l’actuel serment des Arbalétriers du Grand serment royal et de Saint-Georges de Bruxelles fait la haie d’honneur devant l’église du Sablon.
À l’occasion de l’Ommegang, l’actuel serment des Arbalétriers du Grand serment royal et de Saint-Georges de Bruxelles fait la haie d’honneur devant l’église du Sablon. © Agence Pep’s – Frédéric Andrieu.

L’Ommegang va rapidement prendre de l’ampleur, supplantant rapidement la procession de la principale église de la ville, la collégiale des Saint-Michel-et-Gudule ! Le défilé du clergé, des métiers, du Magistrat et des guildes armées, voire des invités de marque quand il y en a, se verra augmenter, dès le XVe siècle, de représentations gigantesques : des géants figurant des humains mais aussi des animaux, réels ou fantastiques.

À l’annonce de la visite de Charles-Quint en 1549, venant présenter son héritier, Philippe à ses populations des Pays-Bas, la Ville décide d’organiser un Ommegang exceptionnel. Il défilera sous les yeux de l’Empereur et de sa cour, installés sur le balcon de l’Hôtel de Ville. Grâce aux écrits de Cristobal Clavete de Estrella, accompagnateur de l’infant Philippe, on connaît la formation de cet Ommegang.

Les cinq serments ouvrent la marche : escrimeurs de Saint-Michel, arquebusiers de Saint-Christophe, archers de Saint-Antoine, arbalétriers de Saint-Georges et arbalétriers de Notre-Dame. Viennent ensuite des cavaliers illustrant la généalogie de " tous les ducs qui se sont succédé dans le Brabant, depuis le premier jusqu’au grand empereur Charles Quint ", véritable preuve d’allégeance de la cité vis-à-vis du souverain… Les 52 corporations que compte alors Bruxelles défilent ensuite avec leurs symboles et saints patrons fixés à de grandes hampes…

Les archers de Bruxelles…
Le cheval Bayard.

Vient alors la partie processionnelle, comptant nombre de chars et de géants parmi lesquels le cheval Bayard monté par quatre enfants en armure ; un chameau porte l’arbre de Jessé tandis qu’un terrible griffon est monté par huit enfants, symbolisant la force de cette chimère " égale à huit lions " et représentant la double personnalité du Christ : humaine par le lion, divine par l’aigle… Calvete signale bien d’autres curiosités, dont " un effroyable serpent… vomissant des langues de feu et des fusées par la bouche dans toutes les directions ", évocation de l’enfer.

Le carrousel des bannières des pays où règne l’empereur Charles-Quint...

Viennent alors treize chars de triomphe illustrant la vie de la Vierge ainsi que ses Sept Joies. Les édiles communaux prolongent le défilé, suivis par les ordres religieux, les prélats brabançons, le clergé des nombreuses paroisses escortant la châsse de saint Gudule, tandis que le curé, un diacre et un sous-diacre de l’église du Sablon portent la statue de Notre-Dame à la branche.

L’Ommegang de Bruxelles évoluera encore par la suite. En 1698, il est transféré le 21 juillet et est intégré à la fête du " Saint-Sacrement de miracle " de la paroisse des Saint-Michel-et-Gudule… Ses représentations finiront par s’espacer, particulièrement au XVIIIe siècle. La dernière sortie d’un Ommegang sous l’Ancien régime date de 1785. L’année suivante, Joseph II interdit toutes les processions.

Couverture du programme de l’Ommegang 1930. Tous droits réservés.

C’est en vue du 100e anniversaire de la création de la Belgique que l’Ommegang va renaître, à l’instigation des Arbalétriers du Grand serment royal et de Saint-Georges de Bruxelles et sous la direction de l’historien et folkloriste Albert Marinus. Le but sera de reconstituer l’Ommegang de 1549, dont l’actuel Ommegang est l’héritier. Une manifestation à ne manquer sous aucun prétexte, ses dates 2023 - fin juin ou début juillet - seront sous peu précisées sur le site internet de l’Ommegang.

À lire : " Ommegang ! ", 2013, Centre Albert Marinus asbl – Woluwe-Saint-Lambert

À découvrir : Projet Ommegang ", du 7 septembre au 30 octobre 2022, une exposition du Centre Albert Marinus au musée de Woluwe-Saint-Lambert.

À voir dans " Le temps d’une histoire ", le vendredi 16 septembre, à 22h40 sur La Une : " Ommegang, les coulisses d’une histoire belge ", un documentaire inédit de Quentin Moll-Van Roye.

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