A Bruxelles, le personnel des soins de santé veut dire son ras-le-bol et appelle à une refonte du secteur

De nombreuses manifestations qui auront lieu ce samedi 29 mai sur le territoire de la ville de Bruxelles, l’une concerne les soins de santé. Cette dernière aura lieu à la gare Centrale avec comme slogan : "Grande manif de la santé et des oublié.es". Parmi les signataires on retrouve le collectif belge La santé en lutte, mais aussi de nombreux collectifs venus d’ailleurs en Europe : Espagne, Italie, France, Angleterre. Dans la capitale européenne ce sont près de 3000 personnes qui sont attendues.

Les revendications sont multiples : qu’il s’agisse de l’accès aux soins de santé pour tous, l’augmentation des moyens humains et matériels. Il s’agit d’opérer une refonte du secteur.

Si la manifestation avait été d’abord refusée par les autorités, elle a finalement été autorisée. Elle devrait démarrer d’abord par une manifestation statique. De nombreux discours sont attendus avant un départ de cortège en fin d’après-midi.

Assez, c’est assez

"Assez, c’est assez" disent les organisateurs de la manifestation qui expliquent qu’après trois vagues depuis le début de la pandémie de Covid-19 : "nous n’avons vu aucune amélioration des services dans lesquels nous travaillons, de nos conditions de travail, des moyens pour l’ensemble de la population pour accéder à des soins de santé dignes et de qualité". Les services concernés sont les hôpitaux, les maisons médicales, les maisons de repos, de santé mentale, les lieux de soin de terrain. Les signataires posent la question si ces différents secteurs "ont vu leurs conditions de financement et de fonctionnement s’améliorer de façon conséquente et pérenne ?". Ils répondent : "Non".

Depuis plus d’un an, le personnel de soins de santé réclame des moyens supplémentaires. Sur le terrain, la situation est alarmante. Les professionnels pointent le manque de matériel et de lits mais surtout de matériel. Au grand hôpital de Charleroi, par exemple, la situation est à flux tendu : "On commence à voir une petite rémission (des chiffres de la pandémie, ndlr) mais cela dépend des Régions. A Charleroi, nous sommes encore bien impactés. Mais surtout le personnel est épuisé. D’autant qu’il sait qu’il y a du retard à rattraper et qu’il n’aura pas de répit", pointe Manfredi Ventura, directeur médical du grand hôpital de Charleroi.

Je n’ai jamais connu une situation similaire en 30 ans de carrière

Depuis le début de la crise du coronavirus, nombreux sont ceux qui ont connu épuisement, dépression ou encore abandon face à une situation de plus en plus intenable. "Je n’ai jamais connu une situation similaire en 30 ans de carrière", indique Manfredi Ventura. Et d’ajouter, "le personnel soignant en particulier aux soins intensifs, aux urgences mais aussi dans les unités est complètement épuisé. Ils ne voient plus comment assumer les soins. En Belgique, il n’y a pas assez d’encadrements des patients et maintenant il y a un absentéisme parce que les gens sont fatigués".

Victor, accueillant en maison médicale

C’est plus difficile de faire transparaître de l’humanité dans les soins parce qu’on se transforme en robots

Victor est accueillant dans une maison médicale à Limal dans le Brabant Wallon. Sept personnes travaillent dans cette structure dont des médecins, kinés, personnel infirmier et accueillant. Il porte un masque sur lequel on peut lire : "refinançons la Santé". D’emblée, il précise que depuis des années toutes les institutions de soins souffrent d’un manque de temps en raison d’une charge administrative importante et un manque d’effectifs chronique. "Pour les patients on essaye de compenser évidemment au quotidien", dit-il. Et pour cela : "On prolonge nos horaires pour pouvoir soigner tout le monde […] mais pour les soignants c’est clair qu’il y a un accompagnement qui est moindre. C’est plus difficile de faire transparaître de l’humanité dans les soins parce qu’on se transforme en robots". Il reconnaît que dans sa maison médicale, le personnel a encore de la chance : "par rapport à des hôpitaux qui sont surchargés, qui se transforment en véritables usines. Et surtout, qui ont des pressions du management et des directions qui sont très fortes pour que les soignants deviennent rentables. Ce n’est pas pour ça qu’on a fait notre métier. Ce n’est pas pour être rentable".

Victor explique aussi qu’il ressent beaucoup de fatigue, "parce qu’en plus des soins, on doit rendre beaucoup de comptes pour avoir des subsides par-ci, des subsides par-là. Et du coup, tout cela c’est beaucoup de fatigue, notamment parce que ça pèse sur notre esprit au quotidien".

L’homme explique que les burn-out sont nombreux dans le secteur. Ce n’est pas le cas dans la structure dans laquelle il travaille, car, explique-t-il, la maison médicale est récente. "Je pense que pour le moment on tire un peu sur la corde".

Victor pense que pour améliorer la situation il faut un refinancement des soins de santé de manière générale et diminuer la charge administrative.

La situation ne s’est pas arrangée avec la crise sanitaire, explique-t-il. D’abord, parce qu’il y a eu plus de demandes, plus de patients pendant cette période. "Par contre, on voit qu’il y a une dette dans les hôpitaux. Une dette qui s’est creusée, parce que l’Etat a prêté de l’argent. Les hôpitaux doivent rembourser et pour cela ils doivent mettre la pression sur le personnel […] limiter tous les coûts possibles et c’est clair que cela a un impact très fort", conclu-t-il.

Des rustines

Dans leur communication le collectif belge La Santé en Lutte explique que le gouvernement "n’a fait que distribuer l’une ou l’autre rustine, toujours en retard, avec mépris". Et de rappeler que la Belgique ne compte que 2000 lits de soins intensifs pour une population de 11 millions d’habitants alors qu’en face il y a "des financements d’entreprises pharmaceutiques privées avec des fonds publics, en toute opacité, des brevets gardés privés pour faire du profit…".

Plusieurs professionnels demandent que la dette des institutions de soins de santé soit annulée. Il s’agit pour eux de considérer les soins de santé comme un bien public. Pour eux il faut revoir l’organisation des soins de santé et surtout prendre en compte les acteurs de terrain dans les décisions futures.

Le collectif insiste aussi sur les nombreux cas de burn-out et de personnes qui quittent la profession.


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Vers une refonte du secteur ?

Dans leurs revendications, les collectifs à l’initiative de la manifestation de ce samedi demandent réclament un droit réel à la santé :

  • Une accessibilité universelle aux soins de santé publique
  • Une augmentation massive de l’investissement dans les moyens matériels et humains
  • La refondation de l’organisation de tout le système de santé et de la gouvernance hospitalière
  • L’annulation au niveau européen de la dette des institutions de soins et l’abandon du système mortifère de la rentabilité financière de nos systèmes de santé

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