80 ans plus tard, l'horloge parlante reçoit toujours quelques appels, notamment lors du changement d'heure

La première horloge parlante belge mise en service en 1941 et conservée au musée de la Téléphonie de Lantin

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Par Adrien Demet

" Au troisième top, il sera quatorze heures, trente-six minutes, vingt secondes ". Cette voix, nous la connaissons tous, ou presque. C’est celle de l’horloge parlante. Les appels téléphoniques y sont actuellement beaucoup moins nombreux qu’il y a quelques années, mais elle enregistre toujours des pics au moment du changement d’heure. Ce sera certainement le cas encore ce week-end avec le passage à l'heure d'hiver.

C’est en 1941 que commence l’histoire de l’horloge parlante en Belgique. Pour suivre la tendance de l’évolution technologique d’autres pays européens, la Régie des Télégraphes et des Téléphones (RTT, ancien nom de Belgacom/Proximus) décide d’automatiser le service et de confier cette tâche à une machine. Il suffisait donc de téléphoner à un numéro spécifique pour connaître l’heure exacte.

La première génération de l’horloge parlante au centre de transmission du bâtiment "Paille" de la RTT à Bruxelles
La première génération de l’horloge parlante au centre de transmission du bâtiment "Paille" de la RTT à Bruxelles © Paul Dewever

Une vraie révolution à l’époque

Il faut dire que dans les années 40, l’heure n’était pas partout comme maintenant. Tout le monde ne possédait pas une montre et ceux qui avaient la chance d’en avoir une ne pouvaient pas toujours compter sur sa précision absolue.

Le cylindre qui tourne et sur lequel se trouve les sillons des heures, des minutes et des secondes

Dès 1941, quatre machines sont utilisées en Belgique : une en français, une en néerlandais et deux de réserve, au cas où. Ce premier équipement, entièrement mécanique, fonctionne avec un cylindre composé de 60 pistes pour les heures, 60 pour les minutes et 6 pour les secondes. La lecture des différentes pistes permettait de faire sortir la voix et de donner l’heure toutes les dix secondes. Ce tout premier modèle du genre était synchronisé avec une horloge de référence située à l'Observatoire Royal de Belgique à Uccle. Celui-ci envoyait l’impulsion et la machine n’avait plus qu’à parler pour donner l’heure exacte à son interlocuteur au bout du fil.

Il en existe encore un modèle visible et en état de marche au musée de la Téléphonie de Lantin. Des passionnés ont sauvé le dernier exemplaire belge de la ferraille pour lui redonner la voix en 2017, après de nombreuses heures de travail. La voix masculine qui en sort est très nasillarde, étouffée par des grésillements, parfois récalcitrante, mais elle donne toujours bien l’heure, 80 ans après avoir commencé à le faire.

Écoutez la voix de la première horloge parlante

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"C’était un service à la population", précise Daniel Stasse, le conservateur du musée de la Téléphonie de Lantin. "Notamment aux chefs de gare qui devaient savoir l’heure exacte pour le départ des trains", ajoute-t-il. A l’origine de l’horloge parlante, les téléphones privés étaient encore rares et le service était plutôt utilisé par des professionnels ou des institutions publiques. Avec le développement du téléphone, tout un chacun a pu davantage appeler l’horloge parlante. "Si vous avez une montre, vous regarderez toujours l’heure qui se trouve à la gare, l’horloge parlante, c’est la même chose", lance Daniel Stasse.

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La première horloge parlante de 1941 en état de marche et visible au musée de la Téléphonie de Lantin
La première horloge parlante de 1941 en état de marche et visible au musée de la Téléphonie de Lantin © Adrien Demet

Une invention française

C’est en 1933 que la première horloge parlante au monde est inaugurée en France. Elle est installée à l’Observatoire de Paris et devient le tout premier système automati donnant l’heure.

L'horloge parlante de l'Observatoire de Paris avec son directeur Ernest Esclangon, en 1933

Avant cela, c’était un opérateur humain qui communiquait l’heure exacte par téléphone, mais le nombre d’appels était si nombreux que cela devenait ingérable pour la seule ligne téléphonique disponible à l’Observatoire de Paris.

C’est alors qu’Ernest Esclangon, le directeur de l’institution, propose d’automatiser la procédure en utilisant la technique du film parlant. La société française Brillié est alors chargée de concevoir cette machine révolutionnaire. C’est le même modèle qui donnera automatiquement l’heure en Belgique dès 1941.

 

L’utilisation de l’heure atomique

Le début des années 70, marque l’arrivée d’un tout nouveau matériel pour l’horloge parlante. Dès 1972, La RTT va utiliser une machine plus compacte, avec un disque à microsillon et une tête de lecture magnétique.

A cette époque, l’horloge parlante va recevoir l’heure exacte par onde radio depuis l’horloge atomique de référence située à Mainflingen, en Allemagne. Celle-ci était couplée à une seconde horloge atomique au césium située dans les bâtiments des RTT à BruxellesL’objectif de cette technologie est d’avoir encore plus de précision au troisième top.

La deuxième génération de l’horloge parlante dans les bâtiments de la RTT à Bruxelles
La deuxième génération de l’horloge parlante dans les bâtiments de la RTT à Bruxelles © Paul Dewever

Trois machines étaient en service : une en français, une en néerlandais et une en allemand, avec pour chacune, une seconde de secours. Un numéro de téléphone était dédié à chaque langue. Pour avoir l’heure en français, il fallait composer à l’époque le 1300.

Le système de disque de la deuxième génération de l'horloge parlante en service entre 1972 et 2000

Cette installation de deuxième génération était encore analogique et en partie mécanique. "Au changement d’heure, une horloge était à l’ancienne heure et l’autre était réglée sur la nouvelle heure, et la commutation de l’une à l’autre nécessitait la présence d’un technicien qui faisait l’opération en pleine nuit", précise Stéphane Cambier, le responsable de l’horloge parlante entre 1999 et 2015.

Pour la petite histoire, les voix de cette deuxième génération de l’horloge parlante ont été enregistrées le 6 juillet 1972 dans le studio 14 de la RTB à Flagey. On a pu les entendre donner l’heure au téléphone pendant 28 ans.

Vers une numérisation

En l’an 2000, l’heure est à la numérisation de l’horloge parlante. La technologie analogique et ses disques à microsillon laissent la place à des boutons et des écrans… et à de nouvelles voix. La technologie GPS vient également en supplément des deux horloges atomiques pour encore plus de précision.

La troisième génération de l’horloge parlante devient numérique et est mise en service en 2000
La troisième génération de l’horloge parlante devient numérique et est mise en service en 2000 © Stéphane Cambier

Belgacom prévoit également à l’époque une quatrième langue : l’anglais. Mais elle ne sera finalement pas mise en service pour le grand public. Ce qui est toutefois le cas aujourd’hui.

À l’heure actuelle, l’horloge parlante est totalement dématérialisée et se trouve sur un cloud informatique. On peut donc encore l’entendre, mais plus la voir.

Beaucoup moins d’appels, mais un pic au changement d’heure

Avec l’explosion d’internet et l’arrivée des smartphones, l’horloge parlante a parlé de moins en moins au fil des années. En 2004, elle recevait encore en moyenne 6000 appels par jour, toutes langues confondues. Dix ans plus tard, plus que 1000 et en 2021 à peine plus de 350 appels par jour.

Toutefois, au moment du changement d’heure, le service enregistre traditionnellement un pic d’appels. Lors des deux derniers changements d’heure, l’horloge parlante a enregistré environ 5000 appels supplémentaires. Certaines personnes hésitant encore entre avancer ou reculer leur montre. Au moindre doute, un numéro à composer : le 078/051300.

Qui se cache derrière l'horloge parlante?

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