Cinéma

70 ans de… Jeux interdits

Georges Poujouly et Brigitte Fossey dans "Jeux interdits"

© (Studio Canal)

Par Nicolas Buytaers

Sorti le 9 mai 1952, il y a 70 ans, le film "Jeux interdits" de René Clément avait bouleversé le monde entier. Aujourd’hui encore, son thème musical est devenu l’un des airs les plus reconnaissables de l’histoire du cinéma…

Moi mon père il n’est pas mort, mais il va me foutre une raclée si je ramène pas la vache !

Entre sérieux et candeur, cette constatation du jeune Michel face à la petite Paulette pourrait parfaitement résumer le ton du film "Jeux interdits". Mais reprenons tout depuis le début. Nous sommes en 1940, en plein exode français. Paulette, 5 ans, et ses parents fuient la France occupée et marchent vers un avenir qu’ils espèrent meilleur. Quand leur convoi est attaqué, Paulette perd ses parents. La voilà seule avec dans ses bras le cadavre de son chien. Courant dans les bois pour se protéger, elle y rencontre Michel, 10 ans, le fils du fermier du coin. Une ferme où l’on accueille l’enfant. Une ferme et ses alentours qui vont devenir, pour Paulette et Michel, après l’enterrement du chien, le terrain de leurs… jeux interdits !

Loading...

Sorti le 9 mai 1952 en salles, le film "Jeux interdits" du réalisateur René Clément ("Plein soleil") a tout de suite rencontré un énorme succès tant en France que partout ailleurs. Tout au long de sa carrière, ce drame a remporté pas mal de prix prestigieux dont, en vrac et dans le désordre, l’Oscar du meilleur film étranger (en 1953), le Lion d’or à la Mostra de Venise, le Grand Prix Indépendant du Festival de Cannes et les prix de la critique japonaise et anglaise. Et pourtant, vu le thème difficile du film, rien n’était joué d’avance. Dans une interview donnée à la radio française quelques jours après la sotie de son film, René Clément expliquait que ses producteurs étaient réticents à monter ce projet, le jugeant trop risqué et surtout trop osé.

"Jeux interdits" ou le monde vu à hauteur d’enfants
"Jeux interdits" ou le monde vu à hauteur d’enfants © (Studio Canal)

Avec son film, Clément propose donc de nous raconter une histoire selon le point de vue des enfants. Et elle est certainement là la véritable audace du film. Le réalisateur expliquant encore, toujours dans cette interview radiophonique…

Il fallait montrer un univers que nous avions choisi […] un univers vu par les enfants […] Et dans ce film-là, les adultes ne sont pas toujours compris et quelquefois, ils sont grotesques. Ils font des choses que les enfants désapprouvent. Les enfants en général sont très à cheval sur les questions de justice !

Filmé à 70 centimètres du sol, à la hauteur de Paulette, "Jeux interdits" reste une fable incroyable sur la mort vue/expliquée aux/par les enfants. Quand Paulette enterre son chien, elle enterre également ses parents. Le geste est important, tout comme sa symbolique, tout comme ce qui en découlera plus tard. René Clément expliquant encore à la radio…

Psychanalytiquement parlant, elle enfouit aussi ses parents avec cet acte de pureté et d’amour […] [Ce film dénonce ce] réflexe conditionné de la société, des gens qui font des gestes qui n’ont plus le sens profond qu’on leur a attribué à leur origine. Mais ces gestes-là, les enfants les refont pour la bête qu’ils enterrent. Nous avons là une espèce de pamphlet contre la société qui s’endort sur des habitudes, sur un conformisme contre lequel nous sommes !

Brigitte Fossey, incroyable de justesse
Brigitte Fossey, incroyable de justesse © (Studio Canal)

Ces enfants jouent, au propre comme au figuré, comme des adultes. Avec leur candeur, leur innocence et leur naïveté en plus. Brigitte Fossey (oui c’est bien la future maman de Vic Beretton dans la saga de "La Boum" qui incarne Paulette) se souvient parfaitement de ce tournage. En 1968, pour la télévision française, l’actrice expliquait qu’elle n’avait pas tout compris au scénario (elle n’avait que 5 ans) mais qu’elle s’était bien amusée… à jouer ! Jouer la comédie, jouer tout simplement. Elle a même reconnu avoir eu un crush pour son partenaire, Georges Poujouly (Michel donc), deux fois plus âgé qu’elle du haut de ses 11 ans !

Loading...

Mais ce qui reste encore dans toutes les mémoires, c’est la musique du film. Enseigné dans tous les cours de guitare pour débuter, le thème de "Jeux interdits" est reconnaissable dès ses premières notes. Des notes que l’on doit au guitariste espagnol Narciso Yepes. Ou presque. Intitulée "Romance anonyme", cette mélodie a été réarrangée par l’artiste car sa version originale avait déjà été entendue dans un autre film, américain de surcroît, sorti 11 ans auparavant en 1941. Son titre ? "Arènes sanglantes" (de Rouben Mamoulian) ! Quant à la version chantée de ce thème, on la doit à Frank Michael.

Loading...

Inscrivez-vous à la newsletter à la Chronique de Hugues Dayez

Chaque mercredi, recevez dans votre boîte mail la chronique du spécialiste Cinéma de la RTBF sur les sorties de la semaine.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous