"On avait même TF1"
Meryem Amrani avait 15 ans, à l'époque. Elle habitait rue des Alliés et garde intact le souvenir de ces trois journées. "C'était un moment bouleversant! C'était, tout à coup, l'émotion qui s'exprimait, un ras-le-bol, une colère, un besoin d'être entendu. Et puis tout à coup, avoir toutes les attentions braquées sur le quartier, qui était un quartier qu'on avait laissé complètement à l'abandon. On avait même TF1".
Derrière les cocktails Molotov et les jets de pierre, des revendications surgissent. Les jeunes réclament des maisons de quartier, des maisons de jeune, de lieux où se rassembler. En filigrane, une autre revendication : celle de l'accès à l'emploi.
Et la colère ne sera pas vaine. "Il y a eu un déclic", assure Meryem Amrani. L'adolescente a grandi, elle a poursuivi ses études à l'université et est désormais en charge de questions de cohésion sociale, à Saint-Gilles. "On a développé des maisons de quartier, des maisons de femmes". Le sentiment d'inclusion est plus fort? "Disons qu'il existe des espaces où des choses peuvent se faire. Le constat, aujourd'hui, c'est que ces lieux là sont saturés".
Glissement des revendications d'égalité vers la question de l'identité religieuse
Et les jeunes, eux, ont-ils changé? Leurs revendications, en tout cas, en partie explique Meryem Amrani. "A l'époque, la revendication, c'était l'égalité des droits, l'égalité des chances. Et comme nous ne sommes pas parvenus collectivement, dans nos sociétés, à défendre un projet d'égalité, c'est le débat sur l’identité qui est apparu. On n'a plus pu revendiquer une identité professionnelle ou sociale, parce qu'on n'avait pas accès à l'emploi, pas de travail. A ce moment-là, il faut bien s’identifier à quelque chose. C'est l'identité religieuse qui s'est substituée petit à petit... Qui a pris la place."