Médias

25 ans après la mort de Lady Diana, que sont devenus les paparazzi ?

Par Sofia Cotsoglou avec Maurizio Sadutto

A la fin du siècle dernier, le paysage médiatique était très différent de ce qu'il est devenu aujourd'hui. A l'époque, la photo était reine, car rare, et la photo, particulièrement le cliché volé, valait de l'or.

Poursuivre une star pendant des jours, faire le pied de grue sur les plages prisées par les célébrités pour capturer des instants de leur vie privée, pouvait rapporter des sommes considérables à ces photographes qu'on appelait les paparazzi. Ils revendaient ces clichés au plus offrant, principalement la presse à scandale, qui faisait fureur dans certains pays, comme la France, le Royaume-Uni, ou bien sûr l'Italie.

De l'origine d'un mot

Le terme paparazzi est une référence au personnage d'un film. Dans La Dolce Vita, sorti en 1960, un photographe indiscret, Coriolano Paparazzo, accompagne le héros, un chroniqueur mondain campé par Marcello Mastroianni. Il lui tourne autour comme un moustique et c'est d'ailleurs pour cela que les scénaristes du film avaient choisi son nom, en référence à un moustique du sud de l'Europe, très pénible, le "pappataci". Le film est entré dans la légende, en tant que chef d'œuvre de Federico Fellini, et c'est tout naturellement que le patronyme de ce photographe est lui-même entré dans le langage courant pour désigner un journaliste très indiscret. Paparazzi étant le pluriel italien de paparazzo...

L'actrice Anita Ekberg entourée de photographes dans le film "La Dolce Vita".
L'actrice Anita Ekberg entourée de photographes dans le film "La Dolce Vita". © American International Pictures/Getty Images

Les "Une" de la presse people

Lady Diana, Johnny Halliday, Madonna… pour n'en citer que quelques-uns. Certaines cibles étaient plus alléchantes que d'autres, car elles étaient accompagnées d'une véritable aura de star. Un statut qui attisait la curiosité des fans les plus assidus. Mais la vie privée des stars qui s'étale en première page attirait aussi l'œil de tout un chacun et la recette fonctionnait bien. Un sein dévoilé sur une plage faisait vendre plus que de raison. A tel point qu'en parlant de presse à scandale, l'on pouvait se demander d'où le scandale venait exactement. Provenait-il de la célébrité photographiée à son insu ou plutôt du photographe qu'aucun scrupule ne pouvait arrêter ?

Photo prise en 2016 dans un kiosque à journaux de New York. La presse à scandale n'a jamais vraiment disparu.
Photo prise en 2016 dans un kiosque à journaux de New York. La presse à scandale n'a jamais vraiment disparu. © Getty

Un accident qui a tout changé

Lady Diana avait des rapports ambivalents avec la photographie de presse. Elle se prêtait volontiers à l'exercice de la pose, même improvisée, lorsqu'elle était sous les feux de projecteurs d'un gala, ou tout autre événement où les photographes l'attendaient de pied ferme. Cela devenait beaucoup plus pénible lorsque sa relation avec son mari commençait à sérieusement battre de l'aile et que la soif du scoop poussait les paparazzi à la poursuivre lorsqu'elle refusait d'être prise en photo, ou qu'elle s'enfuyait, même, pour échapper aux objectifs.

Une situation qui continuera jusqu'à l'absurde. Le 31 août 1997, Lady Diana meurt dans un tragique accident de voiture, à Paris. Un décès qui aura marqué toutes les mémoires car quand son chauffeur a percuté un pilier sous le pont de l'Alma, le véhicule était alors poursuivi par des paparazzi à moto qui ne voulaient pas la lâcher d'un pouce.

La mort de Diana va calmer les ardeurs de la presse à scandale. Accusés d'avoir provoqué l’accident qui a coûté la vie à la princesse de Galles, les chasseurs d'images vont perdre de leur influence. C'est cet ultime excès qui aura raison d'un métier qui était jusqu'alors florissant.

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Frédéric Andrieu, photographe, travaille en bonne intelligence avec les célébrités qu'il photographie.

Frédéric Andrieu est photographe de stars et de la famille royale. Il a vécu ce changement radical. Et selon lui, il y a clairement eu un avant et un après Diana :

"L’événement "Diana" a fortement influencé le métier et a amené une certaine éthique. A un moment donné, il fallait s’arrêter de suivre pour ne pas mettre en danger les photographes ou la personnalité. Il y en a beaucoup qui ont levé le pied et qui se sont dit qu’ils avaient été trop loin."

La presse à scandale s'est depuis beaucoup calmée dans sa traque des moindres faits et gestes de la famille royale britannique. Aujourd'hui, ce qui est de mise dans le métier, c'est de travailler de concert avec les célébrités, dans un climat de confiance mutuelle, plutôt que de les photographier à leur insu.

Des paparazzi beaucoup plus frileux

Fini aussi pour les journaux d'assumer le coût financier des éventuels procès. Chaque intrusion dans la vie privée d'une célébrité pouvait se solder par de gros dédommagements financiers décidés par un juge. Sophie Lagesse, journaliste spécialisée en royauté : 

Sophie Lagesse, journaliste spécialisée en royauté.

"Avant quand ils étaient traînés devant les tribunaux, les journaux prenaient les procès à leur charge. Maintenant, s’ils perdent le procès, ils se retournent contre les photographes et contre les paparazzi. Donc, les paparazzi sont évidemment beaucoup plus frileux à l'idée de prendre ces photos-là, ces clichés volés."

Les réseaux sociaux et les smartphones ont aussi changé la donne

L'avènement des réseaux sociaux sur lesquels les stars livrent elles-mêmes leur intimité a également fortement limité le pouvoir des paparazzi. Sophie Lagesse abonde dans ce sens : 

"Cela ne sert plus vraiment à grand-chose pour les paparazzi d’aller se poster sur une plage pendant des heures alors que la célébrité va elle-même poster une photo d’elle en maillot de bain quelques instants après sur les réseaux sociaux."

Et quand ce n'est pas la célébrité qui poste la photo, ce sont bien souvent des anonymes.

Monsieur et Madame tout le monde étant désormais équipés d'un smartphone, beaucoup de photos volées sont prises par des quidams et non par des photographes professionnels.

Ce genre de clichés a donc perdu beaucoup de valeur, surtout lorsqu'ils sont parfois même donnés gratuitement aux organes de presse par des particuliers qui n'ont aucune idée de la manière dont ils devraient les vendre.

Demetrio Scagliola, Rédacteur en chef de Sudinfo.

Demetrio Scagliola est Rédacteur en chef de Sudinfo. Il avance un exemple parlant : 

"Je pense que le dernier exemple devait être en 2019. C'était Marc Dutroux. On nous a envoyé des images de Marc Dutroux qui s'amusait à glisser sur la glace, dans la cour de la prison. Les images étaient stupéfiantes parce qu'on n'avait plus eu d'images de Marc Dutroux depuis le procès. Donc ça permettait de voir aussi à quel point il avait changé, physiquement."

L'âge d'or des paparazzi semble donc révolu et le cliché volé qui se vend cher et vilain est devenu l'exception. Et ce n'est pas qu'à cause de la mort de Diana...

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