Printemps 2050
C’est la dernière saison pour lui. La dernière année, où chaque matin il enfilera sa combinaison verte. Et partira, outils à la main, faire le tour du centre-ville. Soigner les bougainvillées et les glycines de la Grand-Place. Passer devant le Manneken Pis et ses eucalyptus. Redescendre vers les platanes du piétonnier. Retailler les oliviers et les figuiers de la Place De Brouckère. Vérifier l’arrosage des toitures vertes de la Rue Neuve. Et terminer par les pins parasols de la petite ceinture.
Cet hiver, il n’a pas vraiment gelé en ville, et la fin du mois d’avril est encore douce. Le thermomètre affiche 22 degrés, mais il faut préparer l’été.
On attend cette année encore 40 ou 41 degrés à l’ombre. Alors, les îlots de fraîcheur seront importants.
Quand il a débuté sa carrière, il y a une cinquantaine d’années, le service des Plantations était surtout là pour le décor.
Des tulipes dans les parterres du rond-point Schuman. Des bégonias dans le Parc royal. Les haies de buis du Mont des Arts. Les fleurs et les arbustes, c’était pour faire joli. Pour mettre de la couleur dans le gris de la Ville.
Et puis le service “Îlot de fraîcheur” a été créé vers 2022, grâce à une ordonnance régionale qui obligeait chaque commune à développer son service bioclimatique. La règle : 25 % de l’espace public doit être couvert de végétation.
A ce moment-là, la nature du travail a changé. Il a fallu trouver les bons arbres, les bonnes essences, celles qui résisteraient à l’augmentation de température. Aller visiter les villes du sud : Montpellier, Barcelone, Rome. Utiliser les images satellites pour déterminer où planter pour avoir un meilleur effet. Puis semer, sans relâche. Et espérer que ça pousse.
Aujourd’hui, les étés sont torrides. Mais il lui semble qu’à l’ombre des platanes qu’il a planté sur le piétonnier, on trouve un peu de répit. A 70 ans, il sent bien qu’il devient difficile de travailler. Le sol est bas, les journées sont longues. L’exosquelette l’aide bien, mais il est encombrant. Et surtout trop chaud, quand vient l’été. Après 49 années à soigner les arbres du centre-ville, il va enfin pouvoir s’arrêter.