Moteurs Endurance

100 ans des 24 heures du Mans : 10 éditions qui ont façonné la légende

SPORT-AUTO-24 HOURS OF LE MANS-ENDURANCE

© AFP or licensors

Les 10 et 11 juin prochains, 62 voitures prendront le départ des 24 heures du Mans, devant un public plus nombreux que jamais auparavant. Cette année, la course d’endurance devenue mythique soufflera sa 100e bougie devant un public plus nombreux que jamais auparavant. Un centenaire qui à vu les pilotes, voitures et surtout anecdotes insolites s’enchaîner. Pour l’occasion on vous propose de vous replonger dans 10 histoires qui ont fait la légende des 24 heures du Mans, dont la première édition s'est déroulée il y a 100 ans.

1. La grande première

Il y a 100 ans jour pour jour, le 26 mai 1923 à 16 heures pile, les pilotes couraient pour la première fois vers leur véhicule respectif afin de s’élancer pour 24 heures de course. Leur but : effectuer le plus de tours du circuit de la Sarthe dans un laps de temps de 24 heures.

Et à ce jeu-là, c’est Chenard et Walcker, une marque Française, qui se démarque en voyant deux de ses voitures prendre la première et deuxième place. Profitant d’une fuite dans le réservoir d’essence de la Bentley, son principal concurrent, qui perd 2 heures à réparer les dégâts.

En parvenant à réaliser 112 tours, le constructeur belge Excelsior place sa voiture la plus rapide 4e, réalisant 16 tours de moins que le duo de pilotes victorieux.

Il y a 100 ans, le tracé faisait 17,2 km, aujourd’hui il emprunte pratiquement les mêmes routes qu’à l’époque, bien que ne faisant plus que 13,6 km. A côté de ça, pas mal de choses ont évolué au fil du temps. A commencer par les pilotes et leurs bolides.

Le départ de la première édition
Le départ de la première édition © D.A.S. (Germany) — D.A.S. (Germany)

En 1923, seuls 7 pilotes sur les 66 engagés ne sont pas d’origine française. Aujourd’hui, des pilotes de tous les horizons se placent sur la grille de départ.

Ces 66 pilotes prennent place à bord de voitures de tourisme, conçues pour rouler entre 38 et 66 km/h, avec des pointes de vitesses pouvant aller jusque 150 km/h. Des véhicules répartis en 4 catégories suivant leur cylindrée, ce qui signifie que quatre types de véhicules différents avec des vitesses variables parcourent le circuit en même temps, de quoi rendre la course plus folle et surtout plus dangereuse. Une règle toujours d’actualité aujourd’hui, qui fera la renommé de la course.

Pour cette première édition, l’orage s’invite au rendez-vous, de quoi rendre la course plus passionnante. Mais pas de quoi décourager les pilotes et finalement, seuls trois véhicules ne parviennent pas à terminer la course. Un exploit au vu des conditions de courses et des phares, bien moins puissant que ceux que l’on fabrique de nos jours.

2. Deux coups dans le nez

La Jaguar Type-C XK 120 n°18 de Tony Rolt et Duncan Hamilton
La Jaguar Type-C XK 120 n°18 de Tony Rolt et Duncan Hamilton © AFP or licensors

On fait un bond de 30 ans dans l’histoire car l’édition 1953 fera passer le circuit à un stade supérieur.

Cette année marque la première édition de la World Sportscar Championship, le championnat du monde de voitures de sport et la FIA décident de planifier les 24 heures du Mans au championnat.

Cette édition voit la jaguar de Tony Rolt et Duncan Hamilton, équipé pour la première fois de freins à disque, prendre le pas sur ces adversaires. Une mission pas gagnée d’avance connaissant les circonstances. Bien que le premier pilote soit un ancien militaire très ingénieux, connu pour son évasion d’un camp de prisonniers pendant la guerre à l’aide d’un planeur construit clandestinement, le second endosse plutôt le rôle de bon vivant dans le duo. De base disqualifiés à cause de leur véhicule, les deux pilotes pourront finalement prendre le départ de la course… après avoir noyé leur chagrin dans un bar local.

Pendant les ravitaillements Hamilton refusera catégoriquement toutes propositions de café, avançant que la boisson avait des effets néfastes sur sa conduite. Pas question de se déshydrater pour autant, le pilote fait le plein de brandy tout au long du parcours, assurant ces relais partiellement ivres.

De plus, élancé à près de 200km/h dans sa jaguar, il ne parvient pas à éviter un oiseau sur sa route et se prend le volatile dans la face. Un choc qui aurait pu lui être fatal mais dont il se sortira avec un nez cassé. Pas suffisant pour le motiver à ranger sa voiture au paddock.

Un choix gagnant car au bout du 304e tour du circuit, Rolt et Hamilton remportent la course, ivres de bonheur.

3. La tragédie de 1955

Si Hamilton peut se sentir miraculé après son choc avec un oiseau en 1953, d’autres pilotes n’ont pas eu la même chance que lui et le circuit des 24 heures se transformera en traversée du Styx pour 21 pilotes entre 1925 et 2013. A cette longue liste s’ajoute le décès d’André Guilbert en 1925, victime d’une collision avec un camion en se rendant sur le circuit.

L’accident le plus tragique a lieu en 1955. Cette année-là, les pilotes se lancent encore avec un départ en épi de maïs, c’est-à-dire que la montre est lancée alors que les pilotes ne sont pas encore dans leur véhicule, entamant la course en courant afin de perdre le moins de temps possible. Cette année-là, Mike Hawthorn rate son départ, ne parvenant pas à sauter au-dessus de son véhicule. Frustré, il se lance dans une course effrénée pour rattraper son retard avant de se lancer dans un duel avec Juan Manuel Fangio, aux allures de course de Formule 1 plutôt que d’endurance.

Mais rappelons que 4 types de véhicules sont engagés sur le circuit et que certains véhicules sont beaucoup moins puissants que ceux de Hawthorn et Fangio.

Juste avant l’arrivée au stand, Hawthorn tente de doubler un des véhicules avant de se rabattre immédiatement dans les stands. Surpris par la manœuvre, le second pilote fait un écart à gauche, surprenant à son tour Pierre Levegh qui arrivait juste derrière. La Mercedes de Levegh percute l’autre véhicule, s’envole et s’écrase dans un muret, tuant le pilote sur le coup. Les débris de son véhicule sont alors projetés dans le public, tuant 82 personnes du public. Afin d’éviter que les 300.000 spectateurs bloquent les routes aux secours, la course est maintenue et les pilotes concernés iront au bout des 24 heures malgré l’accident tragique.

Le crash  de la Mercedes Benz 300 SLR de Pierre Levegh
Le crash de la Mercedes Benz 300 SLR de Pierre Levegh © Tous droits réservés

4. 1967 : le millésime

Au début des années 60, Ford, qui ne faisait pas de voitures de sport, se met en tête de racheter Ferrari pour 10 millions de dollars. Mais le plan capote et Enzo Ferrari vend une partie de Ferrari à Fiat et non à Ford, mentionnant que Ford est une "entreprise laide qui fait des voitures laides dans une usine laide". Henry Ford II passe pour un imbécile, persuadé que Ferrari s’est joué de lui pour faire monter les négociations. Il décide alors de produire sa propre voiture de sport dans le but d’humilier Ferrari. Mais en 1964 et 1965, pour ces premières courses, l’écurie Ford s’incline par deux fois face à la puissance de la marque italienne. Les équipes de Ford redoublent de force pour l’édition suivante et leur travail finit par porter ces fruits, humiliant par la même occasion Ferrari en plaçant 3 véhicules sur le podium.

Le départ, le 10 juin 1967
Le départ, le 10 juin 1967 © Tous droits réservés

Si cette victoire marque un tournant dans la rivalité Ford/ Ferrari, c’est avant tout la célébration qui changera l’histoire.

Premièrement, à l’arrivée, le responsable des relations publiques de Ford demande au pilote victorieux Ken Miles de ralentir pour pouvoir immortaliser le moment avec une photo. Mais ce choix voit Miles se faire dépasser au classement par son coéquipier Bruce McLaren parti plus loin sur la grille de départ. Ce quiproquo prive Miles de devenir le premier pilote à remporter les 3 plus grandes courses d’endurance au monde la même année.

McLaren monte donc sur la première marche du podium et se voit offrir un Magnum de champagne. Mais celui-ci n’a pas été mis au frais et le bouchon saute, arrosant les pilotes et le public.

L’année suivante, au bout d’une bataille acharnée qui marquera la rivalité Ford/Ferrari, Dan Gurney et AJ Foyt prennent le meilleur sur leurs adversaires, permettant à Ford de s’offrir une deuxième victoire d’affilée, en parcourant pour la première fois plus de 5000 km sur les 24 heures.

Euphorique, Dan Gurney s’inspira de l’édition suivante et secourra la bouteille de champagne afin d’arroser volontairement les personnes qui l’entourent, le patron Henry Ford II inclus. Le pilote américain ne se rendait pas compte qu’il allait lancer une tradition qui persiste encore aujourd’hui.

5. 1969, il y a comme un Ickx

L’une des règles emblématiques des 24 heures du Mans est son départ en épi de maïs durant lesquels les pilotes courent vers le véhicule afin de se lancer aussi rapidement possible dans la course. Il n’est donc pas rare que des pilotes oublient dans l’euphorie d’attacher leur ceinture de sécurité. Mais en 1969, au coup de départ, alors que tous les pilotes courent vers leur véhicule, l’un d’entre eux va se faire remarquer. Trouvant la procédure trop dangereuse, Jacky Ickx traverse la piste en marchant avant de s’installer au volant de sa Ford GT et de prendre le temps d’attacher son harnais et de s’élancer, bon dernier.

Lors de la course, alors que Ickx remonte inlassablement les places au classement général jusqu’à ce placer deuxième, un autre pilote John Woolfe va voir sa Porsche heurter un talus. Le pilote, n’ayant pas pris le temps de s’attacher au départ, perd la vie.

La course continue et Ickx parvient à prendre la première place à l’avant-dernier tour, pensant que c’est le dernier. Il se retrouve alors en première position mais craignant qu’Hans Herrmann, deuxième, ne le dépasse dans un des derniers virages, Ickx décide de laisser passer son adversaire, faisant croire que son véhicule à un souci technique. Il n’en est rien car Ickx profite de l’aspiration du véhicule d’Herrmann pour le dépasser dans les derniers instants et s’offrir, à l’aide de ruse, les 24 heures du Mans pour la première fois de sa carrière. Il remontera sur la plus haute marche cinq fois par la suite.

Jacky Ickx franchissant la ligne d'arrivée en 1969
Jacky Ickx franchissant la ligne d'arrivée en 1969 © Tous droits réservés

Mais malgré le résultat final, la plus grande victoire de Ickx sera son combat contre l’insécurité. Voyant un pilote décéder sur le circuit à cause d’un harnais non-attaché et Ickx glaner la victoire en ayant pris le soin de se sécuriser, la FIA décide dès l’année suivante de changer les règles au départ afin d’assurer la sécurité des pilotes.

14 Juin 1969

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

6. Multi-casquette

La voiture de Jean Rondeau lors des essais de 1980
La voiture de Jean Rondeau lors des essais de 1980 © AFP or licensors

Le 15 juin 1980, au bout de 338 tours, Jean Rondeau termine victorieux des 24 heures prenant le dessus sur la puissante écurie Porsche. La particularité de son véhicule ? C’est lui-même qui l’a conçu. Déjà pilote entre 1972 et 1975, le Sarthois, ne parvient à finir la course qu’à une seule reprise, terminant 19e.

Alors qu’il dessinait déjà des voitures à huit ans, rêvant de prendre le volant de l’une d’entre elles un jour, il devient officiellement constructeur en 1976. N’ayant pas le budget des grosses écuries, il se met en quête de sponsors et devient un pionnier du " naming ", le fait de donner le nom d’un sponsor à sa voiture. Mais en plus de révolutionner le sponsoring, il innove également au niveau pilote en proposant en 1976, sur son deuxième véhicule, un équipage 100% féminin. Celui-ci est composé de l’Italienne Lella Lombardi et de Christine Beckers, une Belge !

Mais le plus gros coup de l’homme originaire du Mans est bien la victoire en 1980 qui fait de lui, la seule personne ayant gagné les 24 heures dans un véhicule conçu par ces soins.

7. Vers l’infini et au-delà

Les 24 heures du Mans sont une course d’endurance, pourtant depuis 1971 et la pointe de vitesse à 386 km/h de Jackie Oliver, les pilotes se mettent en tête de battre ce record et même de dépasser les 400 km/h.

A titre de comparaison, un TGV à une vitesse de croisière estimé entre 300 et 320 km/h.

Dépasser les 400 km/h représente un exploit pour une voiture, mais le circuit des 24 heures possède une longue ligne droite (celle des Hunaudières) permettant aux pilotes de prendre beaucoup de vitesse, a condition que le véhicule ait la vitesse et la stabilité nécessaire.

Ainsi, après 16 ans, le record est finalement battu en 1986. Mais le Radar installé le long de la ligne droite n’est pas assez puissant pour enregistrer les 410 km/h de la voiture et le record n’est pas validé. L’année suivante, nouveau radar. Cette fois-ci, la WM de Roger Dorchy réitère l’exploit et dépasse la barre des 407 km/h. Mais les constructeurs travaillant pour Peugeot, ils décident que le record sera de 405 km/h afin de donner un boost marketing à leur nouveau modèle… La Peugeot 405.

La Porsche Rothmans 962 N° 1 de Derek Bell, Hans-Joachim Stuck Jr et Al Holbert s'impose en 1986
La Porsche Rothmans 962 N° 1 de Derek Bell, Hans-Joachim Stuck Jr et Al Holbert s'impose en 1986 © AFP or licensors

8. L’envol de la Mercedes

© Tous droits réservés

En 1999, alors que la course est sur le point de débuter, les pilotes se mettent en piste pour le warm up, un tour de piste afin de procéder aux dernières vérifications. 47 ans après avoir gagné les 24 heures pour la dernière fois, Mercedes met toutes les chances de son côté pour remonter sur la plus haute marche du podium. Forts de leurs multiples essais et simulations de 30 heures en amont de la course, Mercedes pensait avoir les armes pour s’envoler au classement et conjuguer le sort.

C’est finalement une de leur CLR, la n° 4 pilotée par Mark Webber, qui voit ses roues avant de décoller du sol. Lancé à 300 km/h dans la ligne droite de Hunaudières, le bolide s’envole à environ 10 m du sol, faisant quelques loopings, avant de retomber sur la piste. Webber, ayant vu sa vie défiler devant ses yeux, est furieux mais Mercedes ne croit pas sa version des faits et décide tout de même de lancer ces deux autres véhicules pour la course.

Si le début de course semble sourire à Mercedes, qui place ces deux CLR restantes dans le top 5, le 75e tour donnera raison à Webber. Sous les yeux du pilote Australien, l’une des deux CLR restante s’envole à son tour. " J’étais en colère et j’ai fondu en larmes, avant de courir comme un fou vers les stands, sur environ un kilomètre et demi. J’étais violent. Quand ce cauchemar allait-il prendre fin ? Je me disais 'S’il est mort, je vais tuer ces salauds, je vais les tuer'. Je sais exactement ce qui s’est passé, et c’est tout ce que je craignais, il est dans les arbres, il est parti dedans… Il va être blessé, c’est certain" confiait Mark Webber après la course. Néanmoins, malgré les loopings et toupies en l’air, Peter Dumbreck, au volant de la CLR, s’en sort indemne à son tour. Cette fois-ci, Mercedes décide de ne plus jouer avec le feu et retire son troisième bolide de la course, marquant la fin de l’histoire de la marque allemande aux 24 heures du Mans.

9. Les miraculés de 2011

Partageant le rôle de favoris avec Peugeot, Audi décida de lancer ses trois voitures à fond la caisse dès le départ de ces 24 heures. Double vainqueur de l’épreuve en 1998 et 2008, Allan McNish espère réitérer l’exploit mais dès la première heure de course, au bout du 15e tour, son Audi subit un choc avec une Ferrari. La collision avec le mur de sécurité est inévitable et extrêmement violente. Pourtant, McNish ressort indemne de la carcasse de sa voiture et les centaines de milliers de spectateurs présents ce jour-là crient au miracle. Mais alors que tout le monde pensait que le pire était passé, une autre Audi est impliquée, quelques heures plus tard, dans un accident encore plus violent. Mike Rockenfeller, qui pilote l’Audi, quitte la piste en pleine ligne droite avant de taper le rail de sécurité à plus de 300km/h. Lui aussi, s’extirpe indemne de son véhicule.

Deux miracles survenus en une soirée. Audi souffle et les yeux braqués sur son troisième bolide, qui le lendemain après-midi, terminera premier, devant les trois Peugeot.

Accident spectaculaire aux 24 h du Mans

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

10. 2012, Garage 56

Lors de l’édition 2012, le garage 56 est créé. Il agit comme un laboratoire, mettant en avant avancés techniques et aventure humaine. Pour ces trois premières saisons, le 56e stand est investi par Nissan DeltaWing. L’idée est de promouvoir le " downsizing " et de rendre leur voiture plus rapide, en diminuant sa puissance. Pour ce faire, l’accent est mis sur le gain de poids et la finesse aérodynamique.

Malheureusement, la première saison voit la DeltaWing contraint d’abandonner. En 2014, Nissan utilise le même chassis, l’équipe d’un moteur hybride et se lance le défi de faire le premier tour complet 100% électrique. Mission réussie !

Ensuite, le garage 56 sera théâtre d’une aventure humaine avec l’allocation de Frédéric Sausset, un entrepreneur français quadri amputé.

Enfin, pour ce centenaire, une Nascar sera alignée pour la première fois. Engagée par Hendrick Motorsports, écurie ayant 14 titres de Cup Séries, la Chevrolet Camaro ZL1 sera pilotée, entre autres, par le champion du monde de F1 2009 Jenson Button. L’idée de la Nascar est d’être compétitive et de ne pas faire seulement de la figuration. Pour savoir si le pari sera gagnant, rendez-vous les 10 et 11 juins prochains.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous